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ment. Nous généralisons cette règle que nous-avons formulée, nous l’appliquons à nous et à autrui : c’est la source d’un nouveau plaisir. 4o « La malice est une sorte de méchanceté qui a pour cause et pour limite l’intérêt ; c’est un égoïsme envieux, un sentiment de rivalité… La malice que le comique flatte et réjouit est celle qui ne regarde qu’aux blessures de l’amour-propre. » 5o Peut-être le trait le plus caractéristique du comique vrai est-il le sentiment de justice satisfaite qu’il nous fait éprouver. La peine doit être exemplaire ; il faut un redressement public puisqu’il y a en scandale. Elle doit être naturelle. Si l’erreur n’était pas une faute, une simple « rectification » suffirait, mais la volonté est coupable dans le comique d’imposture, il faut que la peine soit douloureuse à celui qui la subit. Un dernier caractère du comique et qui le distingue nettement de l’esprit est d’être toujours un fait. L’esprit nous fait commettre à nous-mêmes l’erreur ou le semblant d’erreur : tout se passe de l’homme d’esprit à nous, tout s’accomplit dans notre pensée. Le comique est l’œuvre d’un tiers, c’est une erreur complète qu’il a commise et qu’on nous livre. Trois chapitres additionnels traitent de la répétition, du rire sardonique (c’est une ironie contre soi-même et le point où le plaisant vient toucher au sublime), de la gaieté lubrique. Dans un appendice M. Philbert a réuni les trois études suivantes coup d’œil sur la nature et les conditions de l’étude du plaisant comparée avec les sciences de la nature. Examen de la théorie de M. Herbert Spencer sur le rire (il l’écarte comme étant exclusivement physiologique) Les étymologies des mots exprimant en diverses langues l’action de rire, et de désynonymisation (M. P. entend par les sens différents que prennent des mots originairement très voisins). M. Pbilbert a jugé lui-même son livre « Il aurait sans doute fallu donner un caractère plus franc à ces pages, qui ne sont ni une œuvre scientifique, ni une œuvre toute littéraire. La science aurait voulu plus de rigueur, un autre ton, des lumières et une puissance qui nous manquent ; elle aurait condamné l’à peu près trop commode des métaphores vaines et des comparaisons dont nous n’avons pas su nous passer ; les faits veulent être étudiés exclusivement en eux-mêmes et dans leurs relations avec leurs causes, leurs effets, et avec les faits da même ordre ; des faits plus ou moins analogues, mais certainement indépendants empruntés à un autre domaine, ne prouvent rien et ne peuvent guère qu’amuser l’imagination… D’autre part, une œuvre littéraire aurait exigé une élégance agréable et facile, et proscrit le jargon, les recherches didactiques, et ce que les termes abstraits ont volontiers de rebutant : un véritable écrivain sait dire, dans la langue de tout le monde des pensées que tout le monde n’a pas », On peut souscrire à ce jugement, presque en entier le livre de M. Philbert aurait gagné à être plus exclusivement littéraire, c’est avant tout un commentaire souvent ingénieux des comédies de Molière, et la pensée de l’auteur devient plus claire quand il renonce à lui donner une forme par trop scientifique.

L. M.