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notices bibliographiques

ressemble fort à celle de Léon Dumont : il fait comme lui d’une erreur la cause du rire. Si nous rions, c’est parce qu’en présence d’un fait ou d’une idée, nous avons formulé presque en même temps deux jugements contradictoires. Il explique aussi comme son devancier le plaisir que nous éprouvons à rire. M. Phiibert comprend sous le nom de plaisant tout ce qui peut provoquer le rire, il s’est spécialement attaché à l’étude de deux des espèces du plaisant, l’esprit et le comique. Voici sa définition du plaisant : « Il consiste dans Île caractère visiblement spécieux d’un désordre non pénible » (p. 401). Ce qui constitue le comique, c’est avant tout l’élément moral : c’est ce qui le distingue d’une part de l’esprit, qui est le plaisant dans les idées, et de la bouffonnerie c’est-à-dire du plaisant matériel. L’esprit est le produit d’une « adresse agréable de l’intelligence » : il implique toujours quelque ruse, quelque supercherie de la part de celui qui parle. Pour qu’une idée plaisante soit spirituelle, trois conditions sont nécessaires, l’intention, la justesse et l’agrément. L’esprit peut porter sur les mots, sur les tours ou sur la pensée. La condition essentielle, c’est l’intention : c’est à vrai dire l’intention qui distingue l’esprit du comique. L’homme spirituel veut être tel, on ne cherche pas à être comique, mais tantôt on l’est naïvement, tantôt on s’aperçoit qu’on la été ou qu’on va l’être et on veut dissimuler : de là deux sortes de comiques : le comique naïf et le comique d’imposture, Dans l’un et l’autre cas, c’est une erreur, une duperie consciente où non du personnage qui est la racine même du comique. Cinq éléments concourent à faire d’une erreur une erreur comique : elle a une cause morale ; elle est énorme ; elle donne un plaisir d’intelligence ; elle donne un plaisir de malice ; elle donne un plaisir de justice. 1o L’erreur purement étourdie, sans passion, n’a de prix qu’à la condition qu’elle nous montre l’homme même, elle est comique seulement s’il s’y découvre un élément moral. Les erreurs que causent le mensonge et les ruses de nos semblables se voient surtout dans les farces. Hautement comique est l’erreur produite par la passion qui se dupe elle-même et travaille à duper autrui : ce comique-là est actif, c’est l’erreur de la volonté. Il ne faut pas le confondre avec l’imposture plaisante, transition entre l’esprit et le comique : cette imposture est heureuse, le propre du comique de la passion est d’être toujours une imposture malheureuse. 2o Il faut que l’erreur soit forte, elle doit aussi être claire et évidente. Les erreurs en matière purement spéculative, produisent d’ordinaire peu d’effet. 3o Le théâtre ne nous offre que des signes, la cause du fait n’est pas montrée à nos yeux, à nous de la découvrir : le fait comique nous donne d’autant plus de plaisir qu’il est plus suggestif et force notre pensée à être plus active, Certaines de ces inductions sont de véritables révélations. « Il y a de ces petits mots, dit M. Philbert, qui n’ont l’air de rien et qui font l’effet d’un coup de sonde jeté jusqu’au fond des abîmes. » « Les mêmes rapporte qui, par leur clarté, nous ont servi de guide pour trouver la cause, nous font ensuite sentir particulièrement leur justesse. » De là le plaisir du juge-