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ANALYSES.gumplowicz. Der Rassenkampf.

n’est que la partie exotérique de la philosophie, comme il n’est que le dehors de l’univers : l’idéalisme en est l’âme. Ne demandons pas aux physiciens et aux mécanistes de voir et de pénétrer cette âme ; c’est l’affaire de la métaphysique, ou plutôt c’est toute la métaphysique dans les limites restreintes où elle est possible à l’homme.

A. Debon.

L. Gumplowicz, der Rassenkampf, sociologische Untersuchungen (La lutte des races, recherches sociologiques). Innsbruck, Verlag der Wagner’schen Univ. Buchhandlung, 1883. 1 vol.  in-8o, V-376 p..

Je ne cache pas que j’ai ouvert avec quelque méfiance cet ouvrage d’un écrivain qui m’était inconnu et qui se présente comme professeur de sciences politiques à l’université de Graz. J’ai trouvé le ton des premières pages fort net assurément, mais tranchant et quelque peu désagréable ; en prolongeant ma lecture, j’y ai pris goût davantage et je ferme le volume en tenant cette production pour solide, intéressante et digne de fixer l’attention.

Ce qui déroute, dès l’abord, dans l’ouvrage de M. Gumplowicz, c’est qu’il se proclame partisan de la doctrine qui ramène la sociologie à des lois naturelles et qu’en même temps il se montre fort sévère pour quelques-uns de ceux que l’on tient pour les défenseurs attitrés de cette vue. Ainsi le titre à lui seul de Rassenhampf fait penser au struggle for life, dont la formule, grâce à l’éclat des travaux de Darwin, s’est rapidement popularisée dans les cercles scientifiques ; mais l’auteur parle du darwinisme en termes hostiles et prend plaisir à opposer Agassiz à l’illustre naturaliste anglais.

M. Gumploiwcz commence par déclarer qu’il n’a pas la prétention d’apporter du nouveau à proprement parler, mais qu’il se propose de présenter des matériaux anciens dans un ordre qui change leur aspect et puisse profiter à une science, empêtrée dans des formules souvent inexactes.

D’après l’auteur, il est trois façons d’entendre l’évolution humaine :

1. Le point de vue théologique, d’après lequel les événements qu’étudie le sociologiste ou l’historien ne sont que les moments d’un plan divin ;

2. Le point de vue rationaliste, où l’histoire est traitée comme l’œuvre de l’esprit humain ;

3. Le point de vue naturaliste qui tient « l’humanité pour une portion non libre de la nature et s’enquiert des lois naturelles qui la dirigent nécessairement ».

Les temps de la première de ces manières de voir sont achevés ; la seconde peut être tenue pour mortellement atteinte à la suite de la double démonstration, réalisée à notre époque, de la non-liberté de la volonté et de l’unité de la nature et de l’esprit. En dépit des vaillants efforts des défenseurs attardés du libre arbitre et du dualisme, ce sont