Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/578

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
574
revue philosophique

Il faudrait nier tous les droits des individus à l’égard de l’État, si l’on craint d’encourager l’esprit de révolte. Et l’on ne réussirait qu’à encourager l’esprit de tyrannie ou l’incurie des gouvernements, sans supprimer les causes des troubles civils ; car ces causes tiennent à des passions de divers ordres dont la plupart n’ont rien à voir avec les idées de droit et de devoir. Le plus sage est d’enseigner à tout le monde, aux gouvernants comme aux gouvernés, une extrême modération dans l’exercice et dans la revendication du droit, quand le droit ne s’appuie pas sur des textes précis et quand il ne trouve pas une sanction pacifique et assurée dans des institutions régulières. Tous les droits ne se présentent pas dans des conditions identiques et ils n’autorisent pas les mêmes exigences. La science économique, comme la science morale, doit reconnaître et mettre en lumière ces distinctions nécessaires ; mais ce serait pour l’une et pour l’autre sciences une timidité excessive d’hésiter à proclamer certains droits par crainte de leurs abus.

M. Baudrillart nous pardonnera d’avoir insisté un peu longuement sur un point de droit naturel et de philosophie politique où il n’y a au fond entre lui et nous qu’une question de nuances et peut-être même qu’une question de mots. Ses conclusions pratiques sont les mêmes que les nôtres. Il admet pleinement que les individus ont des droits naturels à l’égard de l’État et, s’il croit dangereux d’inscrire parmi ces droits le droit à l’assistance, il en conserve pleinement l’objet, quand il reconnaît et développe tous les motifs qui imposent à l’État comme un devoir impérieux, dans des limites plus ou moins étroites, des institutions générales et des actes particuliers d’assistance. Dans cet ouvrage comme dans tous ceux qui ont honoré sa plume d’économiste, de moraliste et de publiciste, l’esprit conservateur s’est toujours allié chez lui à un esprit éminemment libéral.

Émile Beaussire.

O. Liebmann. Gedanken und Thatsachen (Réflexions et faits). 1er fasc.  Strasbourg, Karl Trübner. 1882.

Les Réflexions et faits de M. Liebmann, dont se compose cette brochure, se divisent en trois chapitres : 1o les différentes sortes de nécessité ; 2o l’explication mécaniste de l’univers ; 3o l’idée et l’entéléchie. L’auteur s’est proposé de nous donner d’abord une classification systématique des sciences rationnelles pures ; puis, descendant à l’examen de la philosophie particulière de la nature, d’apprécier le mode de penser et l’idéal scientifique de ce temps ; d’établir enfin que la science moderne est loin d’avoir rompu, comme elle se l’imagine, avec les conceptions fondamentales de l’antiquité classique, et qu’elle est aujourd’hui encore partagée entre deux points de vue, celui de Platon et celui d’Aristote.

Le déterminisme philosophique universel n’est que la forme logique