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IV

Nous devons également, après avoir vu les rapports de la science pratique en général avec la science théorique, examiner les rapports particuliers de la morale et de la psychologie. Remarquons d’abord qu’une science pratique ne se fonde pas seulement sur la science théorique correspondante. La connaissance de la morale implique autre chose que la connaissance de la psychologie et de la sociologie. En effet, l’établissement de la valeur des fins implique qu’on connaît non seulement l’homme, mais encore le milieu dans lequel il se meut. Toutes les sciences peuvent contribuer à l’établissement des règles particulières, mais la psychologie et la sociologie sont les sciences les plus utiles au point de vue de la morale, et les seules indispensables pour établir les principes les plus généraux. Je m’occuperai surtout de la psychologie, la sociologie étant commencé à peine.

La morale a pour objet de déterminer un fonctionnement théorique idéal de l’homme, une systématisation complète de la nature humaine. Ce serait là, du moins, l’idéal de la morale, elle peut construire cet idéal, mais cela ne lui suffit pas, elle voudrait aussi le réaliser et ici les difficultés deviennent plus grandes. Trouvant son idéal irréalisable, elle veut du moins s’en rapprocher, et, pour cela, se fondant, non plus sur une psychologie abstraite, mais sur la nature réelle de l’homme, elle recherche comment on pourrait tirer le meilleur parti des matériaux qu’elle a à sa disposition, comment elle peut perfectionner l’homme sinon le rendre parfait.

La psychologie seule peut évidemment lui donner les renseignements nécessaires. Comment l’homme peut-il se modifier ? Dans quel sens ? Jusqu’à quel point ? Quelle est l’influence de l’hérédité ? Quelle est l’influence du milieu ? Quelle est l’influence de l’éducation ? Comment se forment et se développent les idées morales et les sentiments moraux ? Comment peut-on aider et régler ce développement ? Quelles sont les tendances qui peuvent s’harmoniser avec les autres ? Quelles sont celles qui sont capables d’amener, par leur domination, le plus de systématisation ? Voilà autant de questions que la psychologie doit aider à résoudre, et cependant elle ne peut pas les résoudre seule, Nous voyons ici encore combien sont étroitement unies et dépendantes la science positive et la science idéale. La plupart des questions que nous venons de poser portent non seulement