Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/545

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
541
F. PAULHAN. — la morale idéale

toutes les actions humaines, de telle sorte que bien que la confection des vêtements par exemple ne soit pas une affaire de pure morale, cependant la morale y est intéressée comme dans toutes nos actions, de même que la psychologie est intéressée dans toutes nos connaissances. La chimie n’est pas de la psychologie, cependant les lois générales de la psychologie interviennent dans le travail du chimiste.

Nous voyons donc que la morale est une science pratique particulière, en connexion étroite avec la philosophie pratique et qui emprunte à celle-ci ses règles et ses lois générales ; nous voyons en même temps que le but dela morale est d’indiquer les conditions d’une systématisation complète de la conduite de l’homme en tant qu’homme. Nous pouvons maintenant reprendre et résoudre le problème de la relativité de la morale et du sens qu’il faut attribuer à ce mot.

D’abord, au point de vue le plus élevé, la morale a quelque chose de général, et, si je puis m’exprimer ainsi, de relativement absolu. Elle doit toujours rechercher la plus grande systématisation. En quelque temps, en quelque heu que l’on se place, pour une intelligence quelconque, la règle est toujours la même. Nous avons vu en quel sens on devait admettre la relativité de la morale, voilà maintenant en quel sens il faut admettre en morale quelque chose de général et de permanent. Remarquons maintenant que le fond de la morale étant toujours le même, la forme peut changer avec le temps et les lieux. En effet, les moyens de favoriser la systématisation générale ne sont pas les mêmes dans toutes les situations, il faut bien admettre que cette chose a eu d’excellents effets autrefois et n’en aurait aujourd’hui que de déplorables. La guerre a pu avoir autrefois de bons effets, peut-être peut-elle en avoir encore aujourd’hui ; c’est même probable — mais, dans une humanité plus rapprochée de la perfection, elle n’aurait aucune raison d’être. Au point de vue des formes, nous devons donc admettre encore une complète relativité de la morale. Remarquons bien que ce mot de relativité n’implique pas que les choses soient indifféremment bonnes ou indifféremment mauvaises. Au contraire, il signifie que, dans de certaines conditions, relativement à une situation donnée, tel acte est bon, et le seul bon, mais que ce qui est forcément bon dans certaines conditions rigoureusement déterminées devient forcément mauvais dans certaines conditions déterminées, différentes des premières.

III

Au-dessus de la philosophie scientifique et de la philosophie idéale planent deux ou trois principes qui constituent ce qu’on pourrait ap-