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science, disposée dans l’ordre le plus convenable pour la pratique, et non plus dans l’ordre le plus convenable pour la théorie. » Mais d’après Mill ce qu’il y a de propre à l’art, le premier principe, la majeure générale qui, dit-il, n’est pas empruntée à la science, « c’est celle qui énonce l’objet poursuivi et le déclare désirable, » On voit immédiatement que Mill abandonne son premier point de vue, en effet, énoncer que quelque chose est désirable, ce n’est pas énoncer un commandement, mais affirmer un fait. Mill a vu l’objection et a tâché d’y répondre. D’après lui, le fait affirmé c’est que la conduite prescrite excite dans l’esprit de celui qui parle le sentiment de l’approbation. Cela aurait peu d’importance, car une approbation d’un individu ne signifie rien, ou pas grand chose ; il faut des prémisses générales déterminant quels sont les objets propres de l’approbation et leur ordre de préséance. Tout art serait ainsi le résultat combiné des lois de la nature découvertes par la science et des principes généraux de ce qu’on à appelé la téléologie ou théorie des fins. « Il y a donc, ajoute Mill, une philosophia prima particulière à l’art comme il y en a une pour la science. Il y a non seulement des premiers principes de connaissance, mais aussi des premiers principes de conduite. Il doit exister quelque étalon servant à déterminer le caractère bon ou mauvais d’une manière absolue ou relative, des lois ou objets de désir. Et quel que soit cet étalon il ne-peut en exister qu’un seul, car s’il y avait plusieurs principes supérieurs de conduite, la même conduite pourrait être justifiée par un de ces principes et condamnée par un autre, et il faudrait quelque principe plus général qui pût servir d’arbitre entre les autres. » Nous reviendrons plus tard sur l’importante question du principe général, observons pour le moment que Stuart Mill ne peut le prendre ailleurs que dans la science. Affirmer qu’une chose est désirable, ce n’est pas affirmer seulement que la conduite tendant à réaliser ou à obtenir cette chose est approuvée par un individu, c’est affirmer que selon l’opinion de celui qui, parle, elle contribuera au bien général, ou qu’elle est prescrite par le devoir, ou qu’elle plaira à Dieu ; c’est exprimer, en un mot, une opinion sur la nature humaine dans ses rapports avec un événement particulier, c’est énoncer une loi générale de la nature, car énoncer qu’un événement devrait arriver, c’est indiquer que son apparition produirait des effets d’une certaine nature, c’est établir un lien entre ce phénomène et d’autre ; c’est, en un mot, énoncer un fait, ou une loi, selon qu’il s’agit d’une chose générale ou particulière, et, par le mot loi, j’entends ici une loi naturelle. Nous arriverons donc à dire que tout art est le résultat combiné des lois de la nature et d’autres lois de la nature, On obtient