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conclusions de M. Ribot, « n’est la cause de rien », il en est de même de la mémoire, de la conscience en général. On voit aussi que les maladies de l’attention et celles des différentes formes de la conscience peuvent être rattachées à des troubles dans l’économie de la force nerveuse accumulée dans les centres cérébraux. Que l’on complète la notion de déperdition de cette force par la notion d’obstacle à son écoulement, soit dans une direction, soit dans un grand nombre, et l’on pourra concevoir ainsi une interprétation satisfaisante de la plupart des exemples relatifs aux maladies de la volonté. Comme cause de déperdition de la force nerveuse ou d’obstacles à son écoulement, on peut invoquer, hypothétiquement, l’affaiblissement ou, au contraire, l’exagération de la tonicité des cellules accumulatrices. Dans le « règne des caprices » on peut voir également le résultat d’un écoulement centrifuge trop rapide des courants cérébraux auxquels une tonicité plus grande de l’écluse corticale aurait permis de suivre un circuit plus compliqué et de réveiller par là même des motifs capables de se faire mutuellement équilibre. Il va sans dire qu’il n’est ici question que de l’affaiblissement pathologique de l’attention et de la volonté. Il n’est pas besoin d’avoir recours à la cause pathologique invoquée plus haut hypothétiquement, ou à toute autre cause du même genre, pour expliquer la faiblesse de l’attention, de la volonté, du jugement, etc., chez les individus dont l’appareil cérébral n’a d’autre défaut que celui d’être insuffisamment développé. Dans ce cas, le courant centrifuge suit de près le courant centripète, et il est déterminé, comme chez les animaux, par un trajet simple, peu variable, dépourvu de ces anastomoses multiples qui, dans un cerveau compliqué, permettent des délibérations prolongées et complexes aboutissant à des déterminations et à des courants centrifuges assez imprévus pour nous donner l’illusion du libre arbitre.

La condition la plus avantageuse au travail intellectuel paraît être une tension suffisante, mais modérée de la force nerveuse accumulée dans les cellules cérébrales. Si cette tension est trop faible, il y a paresse d’esprit et défaut de volonté. Cet état peut être produit, soit par l’insuffisance des courants apportés par les nerfs ; une certaine excitation soit naturelle soit artificielle (café) paraît être le remède convenable à cet état, soit par un excès de dépense ainsi qu’il arrive lorsqu’on se livre à un exercice trop violent ou trop prolongé, cas auquel le repos suffit pour ramener l’activité psychique et la volonté. Si la tension nerveuse intra-cérébrale est trop forte, il se produit alors un excès de travail et de volonté en des sens trop divers pour qu’aucun résultat sérieux se produise ; tel est l’état déterminé par l’ébriété commençante : la dépense exagérée ne tarde