Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/521

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
517
MANOUVRIER. — la fonction psycho-motrice

pour ainsi dire, normalement. Il est permis de croire que les organes les moins directement en rapport avec le cerveau exercent eux-mêmes une influence sur l’état de la conscience. Seulement cette influence peut se produire en modifiant les sensations fournies par d’autres organes ; ou bien si elle s’exerce directement sur le cerveau, cette action n’est point perçue en raison de sa continuité et ne se manifeste que lorsqu’elle cesse d’être normale. Peut-être certains organes, les plus muets en apparence, sont-ils ceux qui parlent le plus fort, en ce sens que l’état cérébral inconscient correspondant à leur état normal constitue en quelque sorte la trame sur laquelle viennent se dessiner les phénomènes de conscience. C’est la partie inconsciente du moi, mais une partie essentielle, car les phénomènes de conscience varient suivant l’état du fond sur lequel ils se produisent de la même façon que les traits ajoutés à un dessin produisent un effet dépendant du dessin primitif.

Ce n’est pas seulement par les sensations organiques dont ils sont la source que les divers appareils servent l’intelligence. Chacun d’eux joue, à ce point de vue, un rôle spécial.

Les appareils de la vie végétative assurent l’existence de tous les autres, et leur influence sur les fonctions psychiques cérébrales est considérable. Ce n’est pas que le bon fonctionnement du cerveau exige une nutrition générale florissante, puisque l’on voit tous les jours des hommes anémiés et valétudinaires doués d’une activité intellectuelle remarquable. Mais il y a certainement, pour la nutrition cérébrale, des conditions particulièrement avantageuses en vertu desquelles certains individus se trouvent normalement dans un état aussi favorable aux travaux de l’esprit que certains autres individus soumis à une excitation artificielle.

L’appareil de la locomotion sert à faciliter et à multiplier les rapports du cerveau avec le monde extérieur par l’intermédiaire des sens spéciaux. Si cet appareil reçoit du cerveau une force excitatrice, cette force est certainement bien employée, puisqu’elle contribue à la production de mouvements grâce auxquels les organes des sens spéciaux peuvent fournir à l’intelligence des matériaux extrêmement variés dont serait privé un individu immobile ou ne changeant de place que sous l’influence des centres nerveux inférieurs.

On peut dire la même chose à propos des mouvements de fabrication et de manipulation. C’est parce que les membres supérieurs de l’homme peuvent exécuter ces mouvements que l’intelligence humaine est devenue incomparablement supérieure à celle des espèces animales les plus voisines. C’est grâce à l’usage intelligent de ses