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des organes, bien que sa fonction psychique ne soit pas en rapport avec cette masse, et bien que les nerfs volumineux du géant aient traversé les mêmes centres inférieurs que chez le nain. N’y a-t-il pas là une raison puissante pour admettre que les courants nerveux afférents au cerveau sont plus volumineux chez le géant, et que cette supériorité est en rapport avec une autre fonction cérébrale que la fonction intellectuelle ? Des nerfs centripètes plus volumineux rendent sensible une masse organique plus considérable et aboutissent à des centres nerveux plus vastes chez l’homme ou l’animal de forte taille, sans que cet homme ou cet animal jouisse d’une sensibilité ni d’une intelligence supérieures. Tout cela, nous le répétons, se conçoit comme une nécessité, si l’on considère les courants nerveux centripètes comme devant se réfléchir en courants centrifuges qui auront à animer des muscles très développés.

IV

Ici commence à se révéler la fonction motrice du cerveau qui deviendra plus évidente à mesure que nous avancerons davantage. Nous allons trouver tout d’abord, dans l’analyse du rôle psychique de chaque appareil organique, la raison de l’existence de cette fonction et de son attribution à l’organe pensant lui-même.

Chaque appareil est la source de sensations organiques perçues plus ou moins directement par le cerveau par l’intermédiaire des communications nerveuses passées en revue précédemment. Ces sensations organiques ou directes, appelées aussi subjectives par opposition aux sensations fournies par les sens externes qui nous renseignent sur les objets extérieurs, ces sensations organiques jouent un grand rôle dans la production des sentiments, dans le déterminisme des sympathies, du caractère, et ce sont incontestablement des matériaux indispensables de l’intelligence. Ce sont les éléments primordiaux de l’esprit et ce sont eux qui disparaissent les derniers dans l’idiotie, dans la déchéance sénile.

Les sensations organiques sont toutes plus ou moins vagues et peu variées. Leur nombre dépend surtout de la complexité de l’organisme, car il est étroitement lié au nombre des parties définies du corps. Tous les organes ne sont pas la source de sensations : quelques-uns n’en fournissent qu’à l’état pathologique ; mais il est à croire que ces derniers organes eux-mêmes ne sont pas absolument muets,