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MANOUVRIER. — la fonction psycho-motrice

anatomiques permet de supposer, on doit admettre que les organes des sens et les organes d’expression, soit faciale, soit manuelle, sont, plus que les autres, soumis à l’incitation cérébrale. C’est ce qui semble indiqué par le grand volume relatif des nerfs qui animent les petits muscles de ces organes comparé au petit volume relatif des nerfs qui se rendent aux grands muscles : c’est ce qui est indiqué dans le schéma ci-dessus par le nombre, décroissant de haut en bas, des traits fins indiquant les communications centrifuges.

Que le nombre et la variété des courants nerveux transmis au cerveau par les nerfs afférents ne soient pas proportionnels au volume des organes d’où partent ces nerfs, c’est là un fait bien évident. Ce nombre et cette variété sont seulement en rapport avec la fréquence du fonctionnement des organes, avec la variété des phénomènes qui agissent sur les terminaisons nerveuses périphériques, enfin, en ce qui concerne les sensations organiques, avec la complexité des organes, c’est-à-dire avec le nombre de leurs parties définies.

Or les organes des sens et les principaux organes d’expression sont relativement très petits ; de plus les variations de la masse du corps suivant les espèces et suivant les individus ne correspondent pas à des variations parallèles dans le nombre et la variété des sensations fournies. Si donc nous voyons le volume des centres cérébraux récepteurs s’accroître en raison directe de la masse des organes correspondants, nous ne pouvons rattacher cet accroissement de volume à une supériorité dans le nombre et la variété, mais seulement à une supériorité dans le volume, en quelque sorte, des courants émanés d’un organisme plus volumineux. — Puisque la sensibilité et l’intelligence ne varient point, comme la masse du cerveau, en raison directe de la masse du corps, un volume[1] supérieur des courants nerveux centripètes ne peut être considéré comme favorable à l’exercice des fonctions sensorio-intellectuelles. Mais on se rend facilement compte de son utilité, si l’on admet que les courants nerveux transmis au cerveau sont destinés, comme tous les courants centripètes, à prendre en fin de compte une direction centrifuge et à fournir une incitation motrice à des organes volumineux.

Les organes d’un géant, par exemple, ne fournissent pas de sensations plus variées que ceux d’un homme de moyenne taille. Et cependant la substance cérébrale, dans toutes ses parties, est plus développée chez le géant : elle varie quantitativement avec la masse

  1. Le mot intensité aurait ici une signification notablement différente.