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Les animaux privés de leurs lobes cérébraux, disait Flourens[1], perdent toute perception, toute intelligence en général ; ils perdent encore jusqu’à ces instincts propres, inhérents à chaque espèce… D’un autre côté, comme nul de ces instincts, comme nulle de ces facultés intellectuelles et perceptives ne se perd par l’ablation du cervelet ou par celle des tubercules quadrijumeaux, il en résulte que tous ces instincts, toutes ces facultés, appartiennent donc bien exclusivement aux lobes cérébraux. On verra plus loin en quoi se trouve restreinte la valeur de ces conclusions.

Bouillaud admettait également qu’un oiseau dépourvu de ses lobes cérébraux est profondément stupide, qu’il ne connaît ni les objets ni les lieux, ni les personnes, qu’il est complètement privé de mémoire, qu’il n’a plus l’instinct de se nourrir, de se défendre, etc. ; qu’en un mot, il est privé de l’intelligence. Selon Bouillaud, toutefois, il est douteux que les lobes cérébraux soient le réceptacle unique de tous les instincts, de toutes les volitions. Cette restriction est en effet nécessaire en présence des nombreux actes parfaitement coordonnés que peuvent accomplir des oiseaux après l’ablation de leurs lobes cérébraux, actes constatés par Flourens lui-même, puis par de nombreux physiologistes et dont l’explication a été trouvée dans les fonctions des centres nerveux encéphaliques sous-jacents au cerveau. Mais l’expérimentation n’en concourt pas moins à prouver que le cerveau est l’organe des opérations intellectuelles de l’ordre le plus élevé.

L’anatomie pathologique conclut dans le même sens. Dans les maladies qui entraînent graduellement la démence, la perte totale de l’intelligence, l’autopsie révèle un ramollissement de la couche corticale des hémisphères cérébraux. Inutile de citer d’autres exemples. Rappelons seullement que l’altération des mouvements coïncide avec celle des facultés psychiques.

Les idiots ont presque toujours le cerveau très petit. Dans le cas où cette partie de l’encéphale atteint, chez eux, un volume normal, on constate soit un état pathologique soit des vices de conformation des centres cérébraux. Les autres centres encéphaliques et médullaires sont loin de présenter autant d’altérations. Leur volume atteint assez souvent la moyenne normale : il n’est Pas autant diminué que celui du

cerveau et spécialement de la surface des hémisphères. — Chez les hommes distingués au contraire, le cerveau présente presque toujours un poids élevé ; il en est de même dans les races civilisées comparées aux races sauvages, et l’homme se trouve placé bien au-

  1. Rech. expérim. sur les propriétés et les fonct. du syst. nerveux, p. 130.