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MANOUVRIER. — la fonction psycho-motrice

bable que ce sont là des mouvements d’expression dont l’origine est complexe et à peu près indépendante de toute sensation cérébrale accompagnant l’exercice de la pensée. Nous disons à peu près indépendante, car il est certain que l’exercice en question, s’il est trop prolongé, amène une légère congestion de la couche corticale des hémisphères et que cette congestion peut être accompagnée d’une sensation plus ou moins douloureuse, laquelle peut avoir été l’une des causes des premiers gestes mentionnés plus haut. C’est ainsi que différents gestes servant à exprimer l’amour, le courage, etc., indiquent la région du cœur parce que ces sentiments exercent une action sur les mouvements du cœur et parce que ce viscère a été regardé comme étant le siège des passions, des sentiments. Le fait que cette dernière opinion a été partagée et enseignée par des philosophes et par des hommes de science peut être considéré comme une preuve que le véritable organe des sentiments et des idées n’a point directement conscience de son propre rôle dans la production des phénomènes de conscience. Il semble, en définitive, que nous n’ayons subjectivement connaissance du siège de notre activité consciente que par la sensation douloureuse assez vague qui accompagne l’excès de cette activité.

Passons aux sources de notre connaissance objective de l’organe pensant :

Nous savons en premier lieu que la sensation douloureuse dont il vient d’être question est un fait commun chez nos semblables et nous savons également que le travail intellectuel s’accompagne d’une congestion et d’une turgescence de la partie superficielle des hémisphères cérébraux. Il est démontré d’ailleurs que pendant le sommeil, où la conscience est anéantie, cette portion du cerveau se trouve anémiée (Durham, CI. Bernard) et que la circulation y redevient active dès que cesse le sommeil. — Les expériences de Broca ont révélé en outre l’élévation de température qui se produit à la surface des hémisphères pendant le travail intellectuel.

On peut démontrer encore par exclusion que le cerveau est l’organe de la pensée. L’on connaît, en effet, plus ou moins bien le rôle de presque tous les autres organes et l’on sait qu’ils possèdent d’autres fonctions que les fonctions intellectuelles proprement dites, bien qu’ils servent pour la plupart à l’exercice de ces dernières. Leur altération pathologique, leur suppression isolée ne causent pas la perte de l’intelligence, à moins que ce ne soit en entraînant la cessation de la vie. Voyons, d’autre part, les résultats de l’expérimentation.