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sagerons successivement le cerveau comme appareil récepteur, comme appareil producteur et comme appareil moteur ou réagissant sur le reste de l’organisme. Nous insisterons particulièrement sur cette dernière fonction cérébrale, la plus méconnue et la plus controversée, le but spécial de cette étude étant de mettre en évidence l’action centrifuge des hémisphères et de faire ressortir le lien qui unit cette action centrifuge aux connexions centripètes et à l’activité propre de l’organe pensant.

Les notions que nous possédons sur les fonctions des centres nerveux nous viennent de trois sources : L’anatomie normale, descriptive et comparative, l’observation clinique et anatomo-pathologique, l’expérimentation. C’est l’anatomie comparative qui a été l’objet de nos recherches personnelles : nous espérons puiser dans cette science un peu délaissée et notamment dans l’étude de la quantité dans le système nerveux quelques données nouvelles propres à compléter et à corroborer celles qui sont issues de recherches faites à des points de vue différents.

I

Une analyse sommaire des fonctions des divers centres nerveux nous paraît indispensable pour établir l’existence, la nature et le rôle des fonctions motrices du cerveau.

Examinons tout d’abord les preuves sur lesquelles on se fonde pour considérer le cerveau comme l’organe de la pensée. Quelquesuns pourront regarder cette opinion comme dérivant directement du sens intime ou, si l’on veut, d’une sensation directe. Il est permis de se demander, toutefois, si un individu à qui l’on aurait enseigné qu’il pense avec son cœur ne croirait pas se sentir penser avec cet organe tout aussi bien qu’un autre individu avec son cerveau. Le sens intime est très complaisant ; son témoignage, invoqué tant de fois au sujet de différents dogmes métaphysiques, varie trop suivant les croyances de chacun pour ne pas être suspect en matière de science.

On pourrait proposer comme preuve qu’on se sent penser avec son cerveau, le fait que des hommes très ignorants des choses de la physiologie se grattent le front ou se prennent la tête dans les mains lorsqu’ils veulent réfléchir. Mais d’autres se grattent la face postérieure de l’oreille ou appuient l’index sur un côté de leur nez comme pour prêter un appui à cette partie de leur visage. Il est pro-