Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
497
A. BINET. — l’hallucination

l’image est associée à une sensation visuelle ; le système de lentilles qui compose une lorgnette ne produit une action directe que sur l’impression rétinienne de l’observateur ; et c’est cette modification sensorielle qui entraîne consécutivement la modification de l’image.

Le phénomène reste le même quand l’image est hallucinatoire. Si l’hallucination parait se rapprocher quand le malade la regarde à travers une lorgnette, c’est que l’instrument modifie les sensations objectives auxquelles l’image hallucinatoire est associée.

L’explication de la réflexion par le miroir n’est pas plus difficile. On regarde, par exemple, dans un miroir, un objet réel qui s’y réfléchit. Encore une fois, l’objet est formé par un groupement de sensations et d’images. Le miroir réfléchit donc une idée de l’esprit, une image, quand cette image est en connexion avec une sensation. Nos hystériques nous présentent le même phénomène agrandi. Si l’hallucination était toute image, il serait impossible de la faire réfléchir. Mais, en réalité, l’image hallucinatoire est associée à une sensation objective, et elle se réfléchit dans le miroir parce que son point de repère extérieur s’y réfléchit.

Continuons un moment encore ce parallèle, car les derniers phénomènes hallucinatoires analysés sont si étranges qu’ils paraissent n’avoir rien de commun avec la perception externe. Insistons en deux mots sur la principale différence.

Dans le cours de la vie ordinaire, le stimulus extérieur provoque des images par l’effet d’un lien logique ou d’une association préétablie par l’expérience. La vue de ma table me suggère l’idée d’un corps solide à trois dimensions, avec les images correspondantes » parce qu’une expérience de tous les jours m’a appris à associer ces qualités de l’étendue et de l’impénétrabilité à certaines particularités des apparences visibles ; de même, les conclusions familières que je tire à chaque instant sur la distance et la direction des objets se rattachent à certaines qualités de mes sensations rétiniennes et des actions musculaires de mon œil, qualités dont mon expérience m’a appris la valeur. Je passe de la sensation aux images comme d’un signe à la chose signifiée ; le fait est clair, positif, produit régulièrement par une éducation de l’œil.

Dans l’hallucination hypnotique rien de semblable ; le sujet associe l’image d’un oiseau ou d’un objet quelconque à la vue d’un point de la table, ou d’un point du mur. Quel rapport y a-t-il entre ce point de repère et un oiseau ? Comment peut-on se rendre compte que des états de conscience aussi hétérogènes que ceux-là arrivent à s’associer ?

Telle est l’objection ; malgré sa gravité apparente, rien n’est plus