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A. BINET. — l’hallucination

dans les hallucinations spontanées de l’attaque et dans les hallucinations provoquées de l’hypnotisme ; en effet, dans les deux cas, la pupille présente des dilatations et des rétrécissements en rapport avec la distance à laquelle se trouve l’objet qui figure dans l’hallucination[1].

La connaissance du changement de point de repère éclaircit quelques observations recueillies par les auteurs. M. Despine rapporte le cas d’un jeune homme qui présentait des crises extatiques pendant lesquelles il voyait la Vierge et l’entendait parler. Saisissant le moment où il disait : « Je vois la Vierge ! » M. Despine comprima légèrement à travers les paupières le côté d’un des yeux, en demandant au malade s’il voyait une ou deux images de la Vierge. Il répondit aussitôt : « J’en vois deux, une ici et une autre là. » Un moment après, il ferme les yeux, il les couvre de ses mains, et il dit : « Je vois la Vierge dans le creux de la main[2]. » C’est le même phénomène que nous avons observé chez les malades du second type.

On s’explique enfin par les mêmes raisons, la mobilité de certaines hallucinations, qui traversent le champ visuel des malades en courant de droite à gauche ou de gauche à droite, ou qui, tout en conservant la même position par rapport aux hallucinés, se transportent avec eux et les suivent partout. À première vue, il semble que l’hallucination qui a un substratum matériel doit conserver indéfiniment le même siège ; mais on comprend, quand on connaît la possibilité du changement des points de repère, que l’apparition soit mobile et fasse intervenir une série de points de repère tout le long du chemin qu’elle parcourt.

Il est facile de reproduire ce phénomène chez l’hypnotique en lui affirmant qu’elle est poursuivie par un serpent, ou que, de quelque côté qu’elle se tourne, elle voit devant elle une main. La mobilité communiquée à l’apparition ne l’empêche nullement de se fixer sur les objets extérieurs comme une apparition immobile.

IV

En définitive, l’hallucination visuelle hypnotique a un substratum matériel et extérieur, et c’est en agissant sur ce substratum qu’on modifie, par une sorte de répercussion, l’image hallucinatoire.

  1. Ch. Férè, Soc. biol., 29 oct, 1881, et Progrès médical, 31 déc. 1881.
  2. Despine (Prosper), Étude scientifique sur le somnambulisme, etc., 1880, p. 328.