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différemment. Quand on interpose l’écran, l’image ne reste pas en quelque sorte derrière l’écran avec son point de repère ; elle continue à être visible. Tel est le fait, sans aucune interprétation.

Quand on étudie le phénomène d’un peu près, on s’aperçoit que si ces dernières malades continuent à voir l’objet imaginaire malgré l’écran, c’est parce qu’en réalité, elles projettent l’image hallucinatoire sur cet écran, qui leur fournit un second point de repère. Leur hallucination n’est pas dépourvue pour cela d’un substratum matériel, mais ce substratum change. Ainsi, nous donnons à Mat…, en catalepsie, l’hallucination d’un portrait sur un carton, nous la réveillons ensuite en lui soufflant sur les yeux, et nous lui présentons le carton sur lequel elle continue à voir le portrait imaginaire. Si alors nous recouvrons le carton d’une feuille blanche, elle nous dit que le portrait disparaît pendant un instant très court, mais qu’il reparaît ensuite sur la feuille blanche avec des traits aussi nets qu’auparavant. L’hallucination a changé de siège ; et ce qui prouve bien la fixation de l’image sur la nouvelle feuille de papier, c’est qu’on peut, avec une loupe, un prisme, ou tout autre instrument, la modifier, l’agrandir, la dédoubler, comme on pouvait le faire quand elle était fixée sur le carton. De plus, l’occlusion des yeux produit le même résultat que l’interposition de l’écran, quand la malade ferme les paupières, elle voit encore le portrait ; il est, dit-elle, dans ses yeux ; elle le projette probablement dans l’obscurité de ses yeux clos.

Il peut donc arriver qu’une hallucination de cause externe ne soit pas modifiée par l’interposition d’un écran et la fermeture des yeux. C’est un fait qu’il est bon de se rappeler, car, lorsqu’on constate qu’une hallucination ne cède pas à l’application d’un bandeau, on est trop facilement porté à croire qu’elle est d’ordre cérébral. Cette remarque s’applique directement aux hallucinations qui se développent pendant l’attaque d’hystéro-épilepsie, dans la phase des attitudes passionnelles ; ni l’occlusion forcée des yeux, ni l’application d’un bandeau ne les empêchent de continuer fatalement leur évolution[1]. On ne saurait pourtant en conclure que ces hallucinations spontanées diffèrent de celles qu’on provoque artificiellement chez les mêmes malades pendant l’hypnotisme.

Nous serions plutôt disposé à admettre que les deux ordres de phénomènes sont de même nature, en nous fondant sur l’observation de M. Féré qui a constaté les mêmes modifications pupillaires

  1. Je tiens le fait de M. Paul Richer, dont l’autorité en ces matières est très grande.