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malade ne peut être avertie de ce qui va se produire, par la ressemblance de ce prisme avec un miroir ordinaire ; toute idée de fraude et de supercherie est donc exclue. Cependant la malade ne manque jamais de voir un second portrait semblable au premier sur la face hypoténuse du prisme. Point à noter, ce second portrait est vu tantôt droit, tantôt renversé. Nous avons déjà rencontré un fait semblable en opérant avec la lentille.

Après voir fait apparaître au sujet sur le carré de papier un portrait dont le profil est tourné vers la gauche, on lui fait voir ce portrait dans le miroir, en l’empêchant de regarder directement le carré de papier ; dans le miroir le profil est tourné vers la droite. Ainsi l’image réfléchie est symétrique de l’image hallucinatoire, et on peut dire de cette dernière image qu’elle remplit le rôle d’un objet réel, dans le sens physique du mot. Si on renverse le carré de papier suivant ses bords (en opérant le changement de position derrière la malade) celle-ci voit dans le miroir le portrait la tête en bas, et le prof, tourné vers la gauche, ce qui est encore conforme aux lois de la réflexion.

On peut remplacer le portrait par une inscription quelconque sur plusieurs lignes ; dans le miroir l’inscription est lue à rebours, c’est-à-dire renversée de droite à gauche ; si on renverse le papier suivant ses bords, l’inscription est lue renversée de haut en bas ; la première ligne devient la dernière, etc., et en même temps, le renversement de droite à gauche cesse. Cette expérience est plus délicate, plus complexe que celle des portraits. Elle ne réussit pas constamment ; elle exige de la part du sujet une certaine éducation. Je n’ai pas pu la reproduire chez mon meilleur sujet, la nommée Wit… parce qu’elle ne sait pas lire. On voit donc que, même au point de vue de l’hypnotisme, l’instruction obligatoire sera un grand bienfait.

Mémoire. — Un objet réel qui a été perçu dans certaines conditions de durée et d’intensité laisse une trace qui survit dans la mémoire. Il en est de même pour les objets qui ont figuré dans une hallucination ; le sujet en conserve quelquefois un souvenir très tranché et très durable. Il n’y a pas longtemps qu’on admettait comme un dogme que la malade oubliait à son réveil tout ce qui s’était passé pendant le sommeil hypnotique. On sait aujourd’hui que l’’amnésie est loin d’être aussi complète. Tout d’abord, on a vu quelquefois les hallucinations provoquées pendant l’hypnotisme se reproduire spontanément dans une attaque ultérieure d’hystérie, ou dans un rêve.

En second lieu, pendant les premières minutes qui suivent le réveil il suffit parfois de montrer à la malade tel point où la suggestion