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Ce n’est pas ici le lieu d’insister sur cette intéressante observation, qui jette une vive lumière sur la question encore obscure de la genèse de l’hallucination. Tout ce que nous voulons en retenir, c’est que l’hallucination hypnagogique de la vue a pour origine des sensations subjectives. Nous devons par conséquent rechercher si cette hallucination possède quelques autres caractères de la subjectivité.

Occlusion des yeux. — La plupart des observateurs ont constaté la nécessité absolue de l’occlusion des yeux pour que l’apparition hypnagogique ait lieu. « Jamais, dit encore Maury, les images ne se sont montrées avant que les paupières se fussent abaissées ; mais une fois qu’elles sont apparues, elles peuvent se continuer un instant, immédiatement après que les yeux viennent de s’ouvrir. L’imagé fantastique brille alors un temps très court devant la vue qui se rétablit ; mais elle disparaît aussitôt pour ne plus revenir, que si les paupières s’abaissent de nouveau. Ce phénomène de persistance se passe aussi parfois, quand on s’éveille au milieu d’un rêve[1]… etc. » Cet effet de l’occlusion des yeux est un caractère fréquent de la subjectivité, comme nous l’avons vu plus haut. Tandis qu’une hallucination de cause objective est supprimée par l’abaissement des paupières, l’hallucination de cause subjective est rétablie par ce même acte.

Mouvements du regard. — Le docteur Max Simon me communique la note suivante : « Sujet aux hallucinations hypnagogiques, je vois fréquemment ces phantasmes se déplacer avec le regard. L’image fantastique suit exactement le mouvement des yeux, dans quelque direction que se portent ceux-ci ; elle s’affaiblit bientôt, subit parfois quelques variations et disparaît. J’ajouterai que pour que ce déplacement ait lieu, il faut que l’image hallucinatoire soit assez vive ; sans cette condition, il arrive souvent qu’avec le mouvement le phantasme s’évanouit. »

L’hallucination hypnagogique est-elle, de plus, unilatérale, et siège-t-elle dans un œil plutôt que dans l’autre ? Je ne possède aucun document sur ce point.

En résumé, l’hallucination hypnagogique réunit les trois caractères suivants : elle est précédée par des phénomènes d’excitation rétinienne, et paraît sortir d’un chaos lumineux — elle ne se montre que lorsque les yeux sont fermés, et disparaît rapidement quand les yeux s’ouvrent ; — elle suit les mouvements intentionnels de l’œil. Ce sont là trois caractères de la subjectivité. Quant aux carac-

  1. ibid., p. 48.