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ANALYSES.borgeaud. J.-J. Rousseau’s Religionsphilosophie.

veröffentlichter Quellen. Genève, Georg ; Leipzig, Fock 1883, in-8o.

Rarement livre nous a causé une satisfaction plus complète. Sujet intéressant, bien défini, abordé avec la méthode précise et l’abondance d’informations exactes que réclame notre temps ; problème curieux, approché de sa solution autant qu’il pouvait être permis de l’espérer ; style clair et animé : ce sont là des qualités qu’il est rare de trouver réunies aussi complètement dans un travail de début, et qui autorisent bien des espérances.

M. Borgeaud rappelle, dans une courte introduction, l’influence énorme exercée par les idées de Rousseau en France et à l’étranger, particulièrement en Allemagne ; mais il remarque qu’on a tour à tour fait ressortir ou subi le politique, le littérateur et le pédagogue, et que ses travaux de philosophie religieuse n’ont été traités, même en Allemagne, que d’une façon secondaire, partant insuffisante, Considérant la Profession de foi du vicaire savoyard qui est la principale source des idées de l’écrivain genevois sur ce point, comme une portion de l’Émile, auquel cependant elle est rattachée tout artificiellement, on ne l’a point envisagée directement comme méritant un examen détaillé et séparé. C’est la tâche que se propose l’auteur de la présente étude.

Par une chance heureuse, M. Borgeaud a eu à sa disposition, en dehors des sources imprimées, un manuscrit inédit de la bibliothèque de Genève, provenant du fonds Moultou, qui lui a présenté des variantes nombreuses, souvent importantes : ce manuscrit contient la Profession de foi sous forme détachée avec une note qui lui confère, en cas de dissentiment avec la vulgate imprimée, toute autorité. Il l’analyse en l’entourant de tous les éclaircissements propres à mettre en lumière les points obscurs.

Le vicaire, découragé, ne cherchera pas la vérité dans la mêlée des opinions philosophiques ; il demandera à la lumière intérieure de l’instruire sur les seules connaissances « nécessaires à l’espoir et à la consolation de la vie. » Nous ne reproduirons pas le raisonnement par lequel le vicaire — lisez Rousseau — arrive à son premier article de foi, qui est qu’une volonté met l’univers en mouvement et anime la nature. Comment cette volonté s’y prend pour atteindre son but, peu importe. L’essentiel, c’est que l’assertion soit élevée au-dessus de toute contestation, quoi que prétendent les matérialistes. Or la matière étant mue par ladite volonté suivant certaines lois, il faut tenir celle-ci pour intelligente, autrement dit, pensante et active ; il faut proclamer un Dieu auteur et législateur de l’univers. C’est ce que le vicaire voit clairement ou plutôt c’est ce qu’il sent. Quant à savoir si le mon le est éternel où créé, s’il existe, à côté de Dieu, un principe passif des choses ou non, ce sont questions insolubles, inutiles à la vie pratique comme elles dépassent la raison, Ailleurs Rousseau dira à propos de l’essence divine : « Nous ignorons ce qu’elle est, mais nous savons qu’elle est que cela nous suffise ; elle se fait voir dans ses œuvres, elle se fait sentir au dedans de nous. » Le vicaire affirme ensuite l’immatérialité de