Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/463

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
459
ANALYSES.e. de pressensé. Les origines.

à constater que M. Taine donne une incontestable prépondérance à la face morale sur la face physique.

Un IIIe chapitre traite de la théorie de la connaissance chez Descartes, Kant et Maine de Biran. Un IVe, le dernier du livre I, donne la théorie adoptée par l’auteur. C’est purement et simplement celle du spiritualisme traditionnel avec une insistance un peu plus marquée sur l’élément moral. Descartes est trop intellectualiste ; Kant fonde l’idée du devoir sans triompher absolument du scepticisme, mais en indiquant le principe moral qui en aura raison ; Maine de Biran, en relevant le principe de liberté et de volonté, établit la connaissance sur une base indestructible.

Dans cette première partie des Origines, on a pu constater par notre seule analyse un grave défaut de composition. L’auteur a perpétuellement confondu deux questions, qui se touchent sans doute, mais qu’on ne saurait mêler : la question des limites de la connaissance et la question des modes ou du mécanisme de la connaissance, autrement dit la psychologie. On ne saurait non plus se défendre de ressentir une pénible surprise en voyant contester sans réserve la valeur des recherches psychologiques qui constituent l’un des efforts les plus méritoires de ce siècle, surtout quand on se rappelle les expresses déclarations de la préface. — Connaissant ainsi l’attitude prise par l’auteur, on n’attend plus grande nouveauté du reste du volume, pour lequel nous nous bornerons à de très brèves indications.

Le livre II est intitulé le problème cosmologique. L’auteur insiste sur l’existence d’une pensée ordonnatrice et directrice dans la nature. Un des témoignages qu’il invoque le plus volontiers à cet égard, est celui de Claude Bernard. « Je considère, a écrit ce savant que je cite d’après le livre même de M. de Pressensé, je considère que l’œuf (ou germe) représente une sorte de formule organique qui résume les conditions évolutives d’un être déterminé par cela même qu’il en procède. L’œuf n’est œuf que parce qu’il possède une virtualité qui lui a été donnée par une ou plusieurs évolutions antérieures, dont il garde en quelque sorte le souvenir. C’est cette direction originelle, qui n’est qu’un atavisme plus ou moins prononcé, que je regarde comme ne pouvant jamais se manifester spontanément et d’emblée. Il faut nécessairement une influence héréditaire. Je ne concevrais pas qu’une cellule formée spontanément et sans parents pût avoir une évolution, puisqu’elle n’aurait pas eu un état antérieur. » Ces lignes, l’auteur du livre nous indique qu’elles sont écrites à propos de la théorie de la génération spontanée. Je ne vois pas de quel droit il les applique aux origines de la vie. Certainement, dans tout germe d’être vivant qui est sous nos yeux, il y a, suivant les expressions de l’école, « une fin expresse, et, par conséquent, un dessein formé. » C’est ce que personne ne conteste ; mais, entre cela et l’idée directrice et ordonnatrice présente aux origines de la nature, il y a un abîme, et M. de Pressensé ne semble pas s’en apercevoir.