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l’étude des « conditions d’existence », qu’elle doit répéter avec un éminent physiologiste le mot : Ignoramus, et, au cours de son volume, il tranche les questions d’origine avec la décision du dogmatisme le plus imperturbable. Singulier spectacle, instructive contradiction entre la velléité de rajeunir par un changement de méthode une thèse qu’on sent vieillie et la force de la routine, qui a facilement raison d’une tentative d’émancipation restée à l’état de vœu tout théorique !

Il faut Jouer l’auteur d’avoir placé en tête de son volume la question des moyens et des bornes de la connaissance. Toute philosophie sérieuse doit commencer par là. Malheureusement le livre intitulé le problème de la connaissance est singulièrement insuffisant. M. de Pressensé expose en premier lieu la théorie de l’école positiviste, qui interdit à l’esprit humain la recherche des origines et assigne pour unique tâche à la science la constatation des faits recueillis par l’expérience et leur classement dans leur hiérarchie naturelle, Il semble, d’après le propos rapporté plus haut, que l’auteur aurait tout au plus des réserves à faire sur ses conclusions, auxquelles une personne qui se proclame disciple de Kant et ennemi de ce qui dépasse la recherche des seules « conditions d’existence » ne saurait refuser un assentiment partiel. Au contraire, il les combat de front, concluant, avec l’école, de l’universalité de la recherche des causes, qu’il y a là un fait humain Constant, donc un fait positif.

C’est ensuite le tour de la nouvelle Psychologie. « Après l’école qui interdit la recherche de la cause vient celle qui cherche à dissoudre le principe de causalité dans les associations ou combinaisons des sensations. » M. de Pressensé expose et réfute tour à tour les doctrines de Stuart Mill, Herbert Spencer et Taine. Il leur oppose un fin de non-recevoir absolue. Tout est faux dans la doctrine associationniste, tout est faux dans la doctrine évolutionniste, tout est faux dans la théorie de M. Taine. Dans son zèle à réfuter ses adversaires, — car ce sont des adversaires, — M. de Pressensé prend médiocrement souci de les comprendre. Exemple en soit en critique qu’il fait de la théorie de l’auteur de l’Intelligence. D’après lui, la base physiologique qui doit supporter tout l’édifice de la connaissance n’étant pour ce philosophe qu’une chimère, qu’une hallucination, l’influence du physique sur le moral se réduit à néant. — Malheureusement, rien de tout cela ne répond à la manière de voir de M. Taine, qui établit seulement que les sensations sont des hallucinations vraies, expression aussi ingénieuse que paradoxale, qui est très claire Pour ceux qui l’ont lu avec attention, et, quant à « l’influence du physique sur le moral », qui, étant réduite à néant, amènerait la ruine du système, M. Taine la nie par définition même, puisqu’il tient le physique et le moral] pour les deux faces du même objet. Si M. de Pressensé avait saisi ce point, il se serait épargné bien des étonnements sur l’union prétendue chez ce philosophe d’un idéalisme et d’un matérialisme également effrénés. Il aurait même pu arriver