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ANALYSES.e. de pressensé. Les origines.

morale et de la religion). Paris, Fischbacher, 1883 (1 vol.  in-8o de xv et 560 pp.).

Avec le présent ouvrage, M. E. de Pressensé est entré pour la première fois sur le terrain de la philosophie. Il nous explique, dans sa préface, comment il y a été amené au cours d’études entreprises pour une nouvelle édition de son ouvrage, honorablement connu : Histoire des trois premiers siècles de l’Église chrétienne. « J’ai constaté, dit-il, que la victoire, si bruyamment célébrée dans le camp du matérialisme, était plus disputée que jamais et que l’on en était au plus vif de la bataille. Ceux-là prennent leurs désirs pour des réalités, qui proclament que la science à prononcé un verdict définitif sur le monde de l’esprit et de la conscience. Ils lui demandent ce qu’elle ne peut pas donner ; car, en voulant que la science statue sur les questions d’origine et de principe, ils la font sortir de son domaine propre, qui ne dépasse par les conditions d’existence. — Il faut qu’on sache que la science indépendante, même celle qui est étrangère à toute école philosophique et religieuse, refuse au transformisme matérialiste le droit d’attribuer l’origine de la vie et de l’esprit à la force pure et que, pour tous ces problèmes des origines, elle a pris pour devise ce mot célèbre de du Bois-Reymond : Ignoramus. » — « Je me reconnais, dit encore M. de Pressensé, hautement le disciple de cette grande école critique (celle de Kant) qui a renouvelé notre mode de penser. Je demeure convaincu que, malgré les accusations de scepticisme qu’on lui prodigue, elle nous fournit le meilleur élément de certitude… C’est à la science seule, interrogée dans ses représentants les plus authentiques, que j’ai demandé la réponse au problème des origines. J’admets, je réclame sa complète indépendance[1]. »

Ainsi, ce que M. de Pressensé reproche au matérialisme — ou au transformisme matérialiste, — c’est de ne pas tenir compte des bornes de la science et d’y mêler gratuitement l’hypothèse. Point de métaphysique en ces matières ! L’auteur se déclare franchement pour les méthodes du criticisme expérimental. C’est au moins ce qui pourrait paraître résulter des déclarations que nous venons de rapporter, déclarations auxquelles le livre lui-même apporte un démenti constant. M. de Pressensé proclame dans sa préface que la science ne peut dépasser

  1. Dans le numéro du 10 mai 1883 de la Revue chrétienne, M. de Pressensé s’occupe d’un article de la Nouvelle Revue du 1er avril où j’avais déjà eu occasion de caractériser sa dernière publication il me demande de « reconnaître que, au lieu de soumettre la science à aucune autorité religieuse, » il a « formellement reconnu son indépendance absolue, tant qu’elle reste dans son domaine. » Nous n’avons jamais eu l’intention de le contester. Nous avons simplement indiqué que sa doctrine philosophique était dominée par sa foi, en d’autres termes que chez lui le croyant précédait le philosophe : on voit qu’il s’agit de deux choses fort différentes, que l’auteur a tort de confondre. M. de Préssensé insiste aussi pour qu’on sache qu’il admet « en principe la conciliation possible entre l’évolutionisme et le théisme ». On en touchera un mot tout à l’heure.