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poisonnée, comme un organisme physiologique, par les produits de sa propre putréfaction ? Non qu’elle puisse redescendre à ces formes de la vie sauvage que nous connaissons, mais elle peut dans sa dégénérescence « faire naître ces sauvages d’une civilisation décomposée, qui seront dix fois plus vicieux, plus nuisibles, plus incapables de progrès que les sauvages de la barbarie primitive. » — « De même que les produits de décomposition organique sont fatals à l’organisme s’ils ne sont pas éliminés et neutralisés, et que les plus virulents et les plus fatals sont ceux qui dérivent de la corruption de sa propre substance, ainsi les produits de la désintégration sociale seront fatals à l’intégration sociale s’ils ne sont éliminés et neutralisés ; et les virus les plus destructifs d’une nation ou d’une société, ce sont les produits de sa propre corruption sociale » (p. 322). Si l’humanité entre dans cette voie de régression, avec quelle terreur on se représente la race humaine « dépouillée de toute force évolutive, désillusionnée, sans enthousiasme, Sans espoir, sans aspiration, sans idéal ! Dépourvue de toute tendance en haut, l’humanité se contentera de tendances vers en bas, d’un anti-idéal, et sans même le sentir » (pp. 323, 324). Sans aller à ces extrêmes, est-il sûr que cette race d’êtres placides, qu’on prédit, vivant dans l’unité, couvrant la terre de leurs pacifiques industries, persuadés de la folie de la guerre, n’ayant entre eux que bonne volonté et bonnes œuvres, ne représenterait pas une castration physique, morale et intellectuelle de l’humanité ? (p. 326). Mais, qu’il en soit ainsi ou que l’avenir soit meilleur, « tout ce qui est passé est comme un rêve, et celui qui espère ou dépend de l’avenir, rêve éveillé, » C’est sur ces mots que se clôt le livre.

Nous n’avons pu donner qu’une idée très sommaire des nombreuses questions qui y sont discutées. On doit cependant signaler des répétitions ; la liaison entre les différents chapitres d’une même partie n’est pas toujours bien marquée. Il est assez facile de se rendre compte de ce défaut d’après ce que l’auteur nous dit dans sa préface : ce livre a eu pour origine des lectures et discours faits à diverses occasions dans ces dix dernières années et ayant pour sujet la conscience, l’organisation, la base physique de la volonté, le matérialisme, etc, Il a fallu donner à ces diverses matières une unité. Le lecteur a pu voir cependant qu’il ne s’agit pas ici d’un de ces livres, si communs chez nous, qui sont faits d’un recueil d’articles et n’ont d’autre unité réelle que celle du titre. C’est un livre au sens vrai du mot, d’un lecture attachante et suggestive, dont il y a profit à tirer pour tout le monde. Nous espérons bien qu’une traduction prochaine le mettra à la portée de tous.

Th. Ribot.

E. de Pressensé. Les origines (Le problème de la connaissance, le problème cosmologique, le problème anthropologique, l’origine de la