Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
455
ANALYSES.h. maudsley. Body and will.

autre preuve de la fixité congénitale des tendances immorales et de la nature moins stable de l’instinct moral, c’est que l’action morale dans tous ses modes n’est un instinct absolu chez personne : ce n’est jamais, par exemple, une tendance immédiate, directe, aveugle, comme celle qui fait que l’homme marche le corps droit. À personne, en marchant, il ne vient l’idée de marcher à quatre pattes, tandis que l’esprit de l’homme le plus chaste et le plus vertueux est quelquefois envahi par l’idée d’un adultère qu’il n’a pas la moindre intention de pratiquer » (p. 252). « Lorsque l’esprit subit une dégénérescence, dit-il encore ailleurs, le sens moral est le premier à le montrer, comme il est le dernier à se restaurer quand le désordre a disparu : acquisition dernière et la plus haute de l’évolution mentale, il est le premier à témoigner par sa défaillance de la dissolution mentale ; premier effet de la dégénérescence mentale, il est le dernier à témoigner d’une régénération mentale complète.… Si le sens moral était aussi ancien, aussi fermement fixé que le plus solide, — l’instinct de la propagation, — comme des gens, dans l’intérêt présumé de la moralité, ont essayé de le persuader à eux-mêmes et aux autres, il ne serait pas le premier à souffrir, quand la dégénérescence mentale commence : son impératif catégorique ne prendrait pas la fuite au premier assaut, mais il affirmerait son autorité, même à la dernière période de déclin. Étant le dernier acquis et le moins fixé, il est sujet à varier non seulement, comme je l’ai montré, sous forme de dégénérescence pathologique, mais aussi, comme on pourrait le montrer abondamment, sous forme physiologique, d’après les diverses conditions où il est placé » (p. 266).

Quant aux désordres de la volonté, l’auteur les examine dans les cas suivants : chez les hystériques, chez les épileptiques, dans la période initiale de la folie, dans la paralysie générale, dans les cas de traumatisme cérébral, pendant la période d’action chimique de certaines substances.

Le dernier chapitre contient ce que les Allemands appellent une « eschatologie », c’est-à-dire des considérations sur l’avenir probable du monde physique et moral. Elles sont assez mélancoliques. Viendra-t-il un temps où, comme le supposent des hommes pleins de bonté, l’humanité pacifique et unie ne connaîtra plus la guerre, où la justice régnera sur toute la terre ? ou bien, comme le rêvent des philosophes idéalistes, une race d’êtres supérieurs sortira-t-elle de l’homme par évolution, réalisant son plus haut idéal en le supplantant ? Rien ne justifie cet espoir, L’état futur des phénomènes cosmiques, l’extinction graduelle du soleil, nous font entrevoir au contraire une époque où quelques familles rares d’êtres humains dégradés vivront dans des huttes de neige près de l’équateur, comme font maintenant les Esquimaux près du pôle, et seules « représenteront la dernière vague de la marée de l’existence humaine à son reflux, avant son extinction finale » (p. 320).

Mais, en dehors même de ces conditions cosmiques, l’humanité ne peut-elle pas rétrograder, par le fait d’une désintégration sociale, em-