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REVUE GÉNÉRALE. — la connaissance mathématique

l’existence d’une tangente dans toute courbe. Or il n’y avait là qu’une erreur, bien constatée aujourd’hui.

Il semble donc que la question soit surtout une question de mesure, d’ailleurs bien difficile à garder exactement.

Revenons au postulatum des parallèles ; il est clair que si les objets des mathématiques sont des objets créés par nous-mêmes, et si nous ne sommes limités dans notre fantaisie que par la nécessité de ne pas employer simultanément des notions contradictoires, et de ne pas arriver à des conclusions en flagrante contradiction avec l’expérience sur les objets réels, le postulatum dit d’Euclide na pas a priori plus de légitimité que le postulatum contraire de Lobatchefsky, qu’ils sont tous deux égaux devant le géomètre.

Au point de vue de l’application aux objets réels, la question change, l’un d’eux seul est nécessairement vrai, l’autre faux. Ici, l’expérience seule peut prononcer, et une expérience réellement très minutieuse. Ce ne sont point des recherches illusoires que celles de Legendre et de Lobatchefsky qui ont établi que, d’après les observations astronomiques, dans un triangle dont les côtés seraient à peu près égaux à la distance de la terre au soleil, la somme des angles ne diffère pas de deux droits de 3 dix millièmes de seconde. Il n’y a rien d’absurde à supposer que pour un triangle aussi grand, des recherches analogues conduisent nos petits neveux à constater la probabilité d’une différence dépassant par exemple 1 dix-mnillième de seconde. Cela ne changerait certainement rien à notre géométrie pratique, mais conduirait à l’introduction de termes de correction dans les calculs des triangles astronomiques. La géométrie, ou du moins la partie de la géométrie qui nécessite un postulatum sur les parallèles, est donc une science qui, tout comme l’astronomie, quoi-que dans une mesure incontestablement plus restreinte, à besoin d’une vérification expérimentale. Cela ne lui enlève d’ailleurs nullement son caractère apriorique, tel que le définit M. Kroman.

La très grande originalité de ce dernier sur cette matière est sa théorie de l’origine des axiomes et sa réfutation de là doctrine courante des expériences accumulées. Sans jugement intuitif immédiat, la formation d’un axiome eût été impossible, ce qui ne veut pas dire qu’au début de la connaissance, des expériences n’aient pas été instituées pour vérifier les axiomes, absolument comme ou vérifie une loi physique.

Je ne parle pas ici du {{lang|la|postulatum}} des parallèles ; il est certain qu’il n’a été conçu que comme étant la condition nécessaire pour la démonstration de théorèmes dont la vérité n’était nullement mise en doute par celui qui le premier a formulé le postulatum, mais