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La théorie atomique est, en réalité, tout à fait indépendante de cette question qui présente de graves difficultés. M. Kroman montre que les concepts fondamentaux dans les deux doctrines opposées qui ont reçu les noms de mécanisme et de dynamisme, sont au fond très sensiblement équivalents. Les atomes absolument durs et incompressibles doivent en tout cas être écartés, et on ne peut admettre que de pareilles particules ultimes de la matière pondérable viennent jamais au contact. Il devient dès lors difficile de distinguer entre les conséquences spéciales à chaque doctrine. Après avoir indiqué les motifs de distinction que l’on peut chercher, M. Kroman arrive aux résultats suivants :

Si la force est simplement définie comme une activité répulsive ou attractive, il n’y a aucun sens dans la formule : « La force émane de la matière » ; car la matière en tant que matière est précisément la force, précisément l’activité répulsive.

Il ne serait pas impossible de définir clairement et rigoureusement les expressions force et matière, de façon à ce qu’elles correspondent à deux formes nettement distinctes du concept de l’activité. Mais alors il serait impossible de décider s’il faudrait nommer l’atome force ou matière.

La question entre le mécanisme et le dynamisme reste donc ouverte ou plutôt elle doit se poser autrement pour avoir une signification réellement intéressante.

Il s’agit de savoir si dans l’explication de la nature, on besoin de faire intervenir d’autres forces que celles qui entrent en jeu dans le choc. Pour cette question, la science n’est pas encore assez avancée ; il est certain que, pendant un temps encore assez long, notre conception de la nature restera dynamiste au moins à moitié, mais on ne peut prévoir ce qui arrivera par la suite.

En tout cas, on ne doit pas oublier que cette conception suppose qu’on à fait abstraction des phénomènes de la conscience et que, si on voulait tenir compte de ceux-ci, il faudrait nécessairement modifier les concepts fondamentaux.

Le point de départ de la conception de la nature doit en dernière analyse être soumis à un nouvel examen pour approfondir les concepts de l’espace et du temps. Ce point de départ consiste évidemment dans les représentations qui nous sont propres. En y joignant le postulat de la causalité, on arrive à admettre l’existence d’un monde objectif, et on doit même le regarder comme déterminé dans le temps ; au contraire on ne peut décider directement s’il y a ou non un espace objectif. L’objectivité de l’espace ne se laisse donc