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ment vérifiée, en l’étendant au contraire à l’universalité des phénomènes, elle n’est plus qu’une hypothèse ou plutôt que la croyance à une hypothèse : celle des forces centrales.

Ainsi le principe de causalité est au fond le seul avec lequel nous abordions l’étude de la nature ; car pour la doctrine de la finalité, M. Kroman reprend le jugement bien connu de Bacon. Le caractère apriorique du postulat de la causalité marque d’ailleurs en fait toutes les sciences de la nature, au moins dans un certain stade, sans qu’il puisse être question d’établir rigoureusement une démarcation entre ce qui s’y trouve d’apriorique et ce qui s’y trouve d’empirique.

La mécanique rationnelle a spécialement un caractère apriorique et hypothétique qui en fait une véritable branche des mathématiques, Mais nous n’avons à considérer maintenant que ses applications à la réalité ; or il est incontestable qu’elle ne procède constamment que par approximation, et que les propositions relatives à la réalité en gardent, dans une certaine mesure plus ou moins restreinte, un manque de rigueur et de certitude.

M. Kroman prend comme exemple de l’étude d’une loi physique, précisément une de celles où ce manque est certainement le moins appréciable : la loi de la chute des corps à la surface de la terre. Il expose les considérations hypothétiques et a priori, ce qu’il appelle « l’expérience de pensée » ; puis les recherches empiriques, et la nouvelle expérience de pensée qui conduit à substituer aux grossières expériences primitivement essayées, l’étude du mouvement du pendule, qui est l’instrument précis et délicat pour la mesure de la pesanteur.

Il examine ensuite une autre théorie physique, la vitesse du : son, pour montrer ce qu’est réellement la généralisation dans les sciences de la nature et le degré de certitude ou d’incertitude qui l’accompagne. C’est une erreur de regarder une loi générale comme sortant exclusivement de l’expérience, quoiqu’elle y ait incontestablement ses racines. Le procédé apriorique qui, à lui seul, serait d’autre part absolument insuffisant, nous rend deux services importants ; il nous fournit des résultats réels comme conséquences relatives aux objets imaginés par nous-mêmes pour les mathématiques ; il nous permet aussi de marcher en avant à partir de points donnés empiriquement. Le but de la science est en fait de créer une image du monde avec le moins de données empiriques possible sans vouloir prétendre les supprimer finalement. C’est dans ces limites que la science de la nature peut et doit être apriorisée. Le rôle des hypothèses pour arriver au but cherché est mis en lumière sur divers exemples variés : gravitation universelle, théorie de la rosée, théorie de l’analyse spec-