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REVUE GÉNÉRALE. — la connaissance mathématique

rant sur des objets donnés en dehors d’elles, réclame au contraire des jugements minutieux et que nos sens sont trop imparfaits pour donner, dans ce dernier cas, une base suffisante à la certitude.

Aussi bien que la géométrie, l’arithmétique opère sur des objets qu’elle se crée elle-même ; aussi bien que la géométrie, elle emploie l’intuition, et ses propositions fondamentales sont, elles aussi, fournies par l’induction. L’arithmétique est, au fond, aussi bien que la géométrie, une théorie de certaines figures de l’espace, mais elle est plus abstraite ou plus générale que la géométrie, car on n’a besoin que de l’intuition d’une seule dimension de l’espace ; en tout cas, elle n’est pas produite par une pensée pure ou vide d’intuition.

Ce dernier chapitre, d’une importance majeure, est suivi d’un autre sur la logique qui, au premier abord, peut sembler n’être pas tout à fait à sa place, mais le grand intérêt qu’il offre lève bien vite tout scrupule à cet égard.

La logique, d’après M. Kroman, offre des parties essentielles, d’autres qui ne le sont pas ; c’est le mélange de ces deux parties qui lui donne une apparence d’imperfection. La signification du mot « logique », est d’ailleurs très multiple ; nous n’avons à considérer ici que la logique formelle qui doit être définie comme la théorie des formes de pensées qui concordent avec le principe d’identité. Elle a affaire à des concepts, à des jugements, à des conclusions ; mais essentiellement, elle se borne à la théorie de la conclusion.

Je passe d’ingénieuses et profondes remarques sur les rapports de la logique et de la langue usuelle, sur la forme des jugements, sur l’arbitraire des classifications en logique ; j’arrive à la conclusion, qui met en lumière le rôle universel de la logique et l’élément intuitif qu’elle renferme et qui fait la force réelle des conclusions.

On sait qu’Euler a fait ressortir cet élément dans la théorie du syllogisme, en représentant l’étendue des concepts au moyen de cercles intérieurs, extérieurs ou se coupant entre eux. M. Kroman remarque que cette représentation peut tout aussi bien être faite au moyen de longueurs prises sur une seule droite ; que la logique n’a besoin par conséquent, comme l’arithmétique, pour ses intuitions que d’une seule des dimensions de l’espace ; mais qu’elle en ait besoin, c’est ce que l’on ne saurait trop affirmer.

La parenté de la logique avec la mathématique est ainsi bien établie ; le caractère de la mathématique a d’ailleurs été suffisamment défini ; mais il est clair que l’explication de Kant pour la possibilité de cette science est insoutenable, et que son existence ne peut rien prouver relativement à l’origine de la notion de l’espace.

Le caractère apriorique de la mathématique lui est commun avec