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soit avec certitude, soit avec vraisemblance, qu’il en est de même de toute autre quantité d’oxygène[1].

L’induction complète, qui conclut de tous les cas particuliers à la règle générale, est ce que M. Kroman appelle l’induction par addition ; mais ce n’est point, en science, la forme la plus habituelle de l’induction, celle qui joue le plus grand rôle ; cette dernière est celle dont un exemple vient d’être donné et que notre auteur appelle induction d’équivalence (Gleichheit-induktion). Il est clair que la conclusion repose sur une prémisse dont l’origine est à chercher ailleurs, et qui affirme l’équivalence de telle quantité d’oxygène à toute autre pour la recherche du poids spécifique.

Quant à l’induction dite incomplète, qui passerait de quelques cas particuliers à la règle générale, ce n’est qu’une simple conjecture inductive ; elle n’emporte nullement conclusion au sens logique.

Tout ce chapitre qui contient une critique très serrée des théories ordinaires de l’induction et en particulier de celles de Stuart-Mill, est d’une importance capitale.

Pour en revenir aux mathématiques, les généralisations (conclusions de la vérité générale d’un théorème démontré sur une figure particulière) s’y font par induction. La géométrie n’est donc pas une science exclusivement déductive, ce qui ne l’empêche pas d’être rigoureusement logique.

Quant aux axiomes, ce ne sont pas des propositions qui nous soient innées ; nous n’avons donc pu les acquérir que par induction sur des cas particuliers. Mais l’opinion empirique qui y voit l’accumulation d’une quantité extraordinaire d’expériences et qui cependant les réduirait au fond à une pure conjecture inductive, n’en est pas mieux établie. De fait, le cas particulier est donné par une expérience de l’intuition, l’induction s’appuie sur des jugements immédiats ou des processus primitifs de l’intuition. Il faut que les jugements scientifiques soient universels et universellement valables ; il faut qu’en outre les jugements mathématiques soient absolument certains et rigoureusement exacts ; dans les sciences de la nature, les jugements sont seulement vraisemblables et approximatifs. C’est que la mathématique, opérant sur des objets qu’elle se crée elle-même, n’a besoin comme point de départ, relativement aux objets réels que de jugements grossiers ; que la science de la nature, opé-

  1. Le caractère de chaque induction ou de chaque syllogisme est à cet égard essentiellement subjectif ; la certitude dans l’induction prise pour exemple n’existe évidemment que pour celui qui est décidé à ne pas regarder comme de l’oxygène tout corps qui, comme l’ozone, malgré de nombreuses propriétés communes avec l’oxygène, n’aura pas le même poids spécifique.