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théories mathématiques en question doit se faire de façon à satisfaire à la fois et l’idéaliste et l’empiriste, sans se déclarer ouvertement pour l’un ou pour l’autre.

Le plan est original, et l’exécution en est certainement de nature à intéresser vivement, sinon à contenter tout mathématicien ; mais je ne puis dire que les philosophes la jugeront du même œil.

Les deux adversaires que l’auteur met en présence, poussent chacun à l’extrême leurs opinions et se mettent ainsi dans leur tort ; il est bien clair que ni l’un ni l’autre ne peut avoir pleinement raison, et il est présumable, à moins de parti pris, que la vérité se trouve entre les deux. Comme arbitre du champ clos, M. Paul Du Bois-Reymond a donc pris le rôle le plus facile, et il n’a pas à craindre que ses conclusions soient vivement attaquées. Mais on se demandera sans doute ce qu’ont de particulièrement idéaliste ou de particulièrement empiriste les deux thèses contradictoires qu’il a exposées ; on se demandera aussi si chacune d’elles représente dans tous ses développements un système philosophique bien lié ; si même tel paradoxe auquel aboutit l’une ne pourrait pas être tout aussi bien rattaché à l’autre, quand, au fond, il se trouve assez en dehors de la question.

À ces deux demandes on pourra peut-être faire des réponses plus favorables que celles que je serais disposé à donner, s’il m’était loisible de faire une critique approfondie de cette partie du livre de M. Paul Du Bois-Reyrnond. Mais il est un point sur lequel il me semble que tout philosophe sera d’accord avec M. Cohen, c’est que cette partie, en dépit de ses prétentions apparentes, n’est nullement de nature à avancer la critique de la connaissance, telle que doit l’entendre un philosophe.

Si je passe aussi rapidement sur les deux premiers ouvrages que j’avais à signaler, c’est que j’ai hâte d’arriver au troisième, qui, par une heureuse fortune, me semble avoir évité le double écueil qui menace soit le pur philosophe, soit le pur mathématicien.

Cet ouvrage, qui date de 1881, a été écrit en danois par un professeur de philosophie de l’Université de Copenhague pour répondre à une question posée par l’Académie des sciences de Danemark. Il a obtenu le prix décerné par ce corps savant et vient d’être traduit en allemand ; il mériterait certes de l’être également en français, car il est réellement rare de rencontrer un livre d’un plan aussi clair et d’un style aussi lucide. Il est singulier que l’auteur, M. Kroman, s’excuse presque de ces qualités, en expliquant dans sa préface le but spécial qu’il se proposait en écrivant ce livre ; je ne crois pas que personne en attribue la parfaite intelligibilité pour tout le monde à un