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ANDRADE. — conservation de la force

relative et celle de la déclamation dans la littérature de quelques vulgarisateurs scientifiques qui dissertent sur la mécanique comme sur une science universelle, capable de tout expliquer ou même de tout décrire.

Je crois pour ma part que sa méthode nous rendra maîtres de bien de : choses que nous ignorons ; mais je désapprouve complètement les exagérations lyriques dans lesquelles on a conduit de nos jours l’énoncé du principe de la conservation de la force ou de l’énergie. Ce principe ou théorème des forces vives peut servir analytiquement de point de départ à la mécanique, il peut aussi la résumer ; mais les géomètres qui ont le plus spéculé sur ce principe, M. Clausius excepté, ne se sont jamais avisés de lui faire signifier plus que ne signifient les principes ordinaires de la mécanique.

Le mode de déterminisme qu’il est d’usage d’attribuer aux équations différentielles du mouvement, en définissant à l’avance l’accélération par une fonction de position (fonction de point), a si peu de signification en dehors des vérifications expérimentales dont il est susceptible, qu’il est mathématiquement impossible d’en supposer la rigoureuse exactitude dans un système de comparaison (système de coordonnées) qui aurait été arbitrairement choisi. En d’autres termes, le déterminisme mécanique, comme toutes les méthodes, a ses conditions d’emploi, et il y a bien en réalité un déterminisme du déterminisme mécanique duquel, par exemple, dépend le succès de la notion ordinaire de la force dans la description du mouvement des astres, son moindre succès dans les phénomènes physiques et chimiques, son insuccès complet dans les phénomènes des corps vivants. En toute rigueur, le déterminisme mécanique envisagé d’une façon trop absolue se contredit lui-même.

L’expression d’une idée par le langage est nécessairement métaphysique, attendu que les chercheurs font surtout attention à ce qu’ils espèrent trouver et qu’ils donnent le non de ce qu’ils soupçonnent encore à la découverte suivant eux incomplète qu’ils ont faite. Il n’y a, cela est vrai, aucune expression scientifique qui ne fasse mine d’aller au delà du fait positif découvert ; pour le vrai chercheur, cette ambition qu’a le mot d’en savoir plus que n’en sait l’expérience, qui pour nous définit la chose, est un stimulant énergique au travail mais, si la pratique du lendemain dit que le rêve du chercheur s’est égaré dans une fausse direction, il faut qu’il se résigne à réduire l’ambition du mot qu’il a lancé la veille à sa stricte valeur. Malheureusement le mot nouveau a été reçu la veille par un philosophe rhéteur qui l’a emporté à l’atelier où fonctionne sa logique particulière ; réduire l’ambition d’un mot lui déplaît, et quand le lende-