Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
revue philosophique

Obs. III. — Otorrhée purulente de l’oreille droite, depuis l’âge de douze ans, déterminant un état habituel d’hypochondrie. À vingt-cinq ans, accès d’aliénation mentale, caractérisé par des idées de persécution et des hallucinations de l’ouïe exclusivement localisées dans l’oreille droite. Traitement de l’affection auriculaire par les cautérisations ponctuées. Guérison. Disparition consécutive des hallucinations et du délire,

Obs. IV, empruntée à Baillarger (op. cit., p. 302).

Toutes ces observations démontrent que l’hallucination unilatérale peut avoir pour origine une lésion unilatérale des sens, et se rattacher, par conséquent, à des sensations subjectives développées dans l’organe lésé. Remarquons les caractères de ce genre d’unilatéralité. L’organe resté normal ne participe point à l’hallucination. Le malade de l’observation II s’étonne de ne voir les objets imaginaires que de l’œil gauche, qui est le plus mauvais des deux. L’hallucination fragmentaire de l’observation I est localisée à l’œil droit qui est seul atteint. En un mot, la perception de l’objet imaginaire et la perception des objets réels se font chez ces malades dans des conditions absolument différentes. La perception des objets réels conserve, autant que l’état des organes sensoriels le permet, sa forme naturelle, c’est-à-dire la forme bilatérale, tandis que la perception hallucinatoire prend la forme unilatérale. Il y a là un contraste utile à relever.

La psychologie nous à permis de concevoir un autre genre d’hallucination unilatérale, produite par une cécité ou une surdité partielle ; l’hallucination s’extériorise dans cette hypothèse par l’organe qui à conservé sa sensibilité. On réalise facilement ce phénomène dans l’hypnotisme : l’expérimentateur suggère une hallucination d’un côté, et la supprime de l’autre, en imposant à son sujet l’idée d’une cécité ou d’une surdité unilatérale[1]. Par suite de cette sorte de paralysie de cause psychique, l’hallucination visuelle devient monoculaire. Il faut remarquer que dans ce cas la perception des objets extérieurs devient, elle aussi, monoculaire et s’exerce dans les mêmes conditions. Cette unilatéralité n’a donc rien de commun avec celle que Régis a étudiée : elle n’a pas pour origine une sensation subjective, elle n’est point localisée dans l’organe lésé, elle n’intéresse pas l’hallucination seule, à l’exclusion de la perception. Les deux espèces d’unilatéralité se distinguent donc par des caractères cliniques très nets.

  1. Dumontpallier, Comptes rendus de la Société de biologie, 1882, passim.