Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/399

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
395
A. BINET. — l’hallucination

plus. — Pourquoi donc criez-vous ainsi ? cela vous fait mal, — Hélas ! c’est plus fort que moi ; cela me vient, il faut que je crie. Je vais vite manger, parce qu’il faudra que je recommence. »

Il faut donc faire sortir du groupe des hallucinations psychiques ces phénomènes impulsifs, qui appartiennent, non aux maladies de la perception, mais aux maladies de la volonté[1]. Après cette élimination, est-on en droit de conserver la classe des hallucinations psychiques, ou devient-elle un caput mortuum ? Nous désirons ne pas trancher la question ; tout en faisant observer la faiblesse des preuves qu’on tire du témoignage des aliénés, nous ne repoussons pas absolument l’hypothèse d’hallucinations produites spontanément par l’intelligence en délire, et nous montrerons plus loin qu’on peut encore, dans une certaine mesure, les rattacher à la perception extérieure, dont elles sont peut-être une modification pathologique très avancée.

IV

Les conclusions précédentes sur l’analogie de l’hallucination et de la perception seront confirmées par l’étude de l’illusion des sens, qui tient le milieu entre ces deux phénomènes. La nature psychologique de l’illusion des sens est bien connue ; on la définit généralement une perception extérieure erronée. Elle résulte, comme la perception, d’une synthèse de sensations et d’images ; seulement, c’est une synthèse mal faite, dans laquelle les images ne correspondent pas à la réalité extérieure[2]. Les aliénistes, qui par une rencontre assez rare s’accordent ici avec les psychologues, disent que l’illusion est une interprétation inexacte de sensations réellement éprouvées. Cette définition se confond avec la précédente.

Voici un exemple qui montrera mieux qu’aucun commentaire

  1. Il est intéressant de remarquer que la thèse du docteur Simon trouve une confirmation inattendue dans les travaux récents du docteur Stricker sur la psychologie des mouvements. Le savant anatomiste viennois soutient que les représentations de mots consistent dans la conscience d’impulsions motrices, contrairement à l’opinion la plus générale qui considère les représentations de mots comme des états sensoriels reproduisant des sensations auditives antérieures. (Studien über die Sprachvors tellungen, Vienne, 1880, analysé in Revue philosophique, août 1883).
  2. James Sully, Les Illusions, passim.