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A. BINET. — l’hallucination

toutes les couleurs. La lésion n’intéresse donc que la partie psychique de la perception sensorielle et nous démontre ainsi, par un sorte de dissection, la complexité de cet acte, qui est simple pour le sens intime.

De ce qui précède ressortent les deux conclusions suivantes :

1o L’acte par lequel nous entrons en rapport avec les objets extérieurs et présents est un acte psycho-sensoriel, qui exige le concours des sens et de l’esprit. C’est un acte plus complexe que la sensation. La pathologie le démontre chez les malades qui perdent certaines perceptions, tout en conservant des sensations normales.

2o L’esprit prend part à la perception externe en soudant aux sensations des images (idées ou représentations ; ces mots sont à peu près synonymes), Ces images, du côté mental, ont tous les caractères de la sensation, sauf l’intensité ; du côté physique, elles s’en distinguent par ce fait qu’elles ne supposent pas la mise en activité des parties périphériques du système nerveux ; quant au siège central, il est le même. L’analogie des sensations et des images explique pourquoi l’esprit a une tendance continuelle à les confondre ; de là des illusions comparables à celle que l’expérience de Delbœuf nous a révélée.

Nous regrettons de ne pouvoir insister plus longuement sur ces préliminaires, qui constituent en quelque sorte notre base d’opération ; pour plus de détails, nous renverrons aux ouvrages spéciaux.

II

Ce caractère psycho-sensoriel de la perception normale appartient aussi à l’hallucination, quoique modifié, dans une certaine mesure, par l’action de la maladie. Il est à peine besoin de relever l’élément psychique ou intellectuel de l’hallucination ; on ne saurait élever de doute à cet égard. Un observateur peu exercé pourrait même s’imaginer que l’hallucination est une conception délirante qui sort tout entière et toute formée d’un cerveau malade, et n’emprunte rien à la réalité du moment. Lorsqu’un halluciné de l’ouïe croit entendre, dans le silence profond de la nuit, une voix qui lui parle et qui lui adresse de longs discours, il est clair que ce phénomène a une origine psychique. La preuve, c’est que l’hallucination de l’aliéné a le plus souvent un rapport étroit avec la forme de son délire. Dans la