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L’HALLUCINATION


I. RECHERCHES THÉORIQUES

I

Esquirol est le premier aliéniste qui ait clairement nommé, défini et analysé l’hallucination : « Un homme, dit-il, qui a la conviction intime d’une sensation actuellement perçue alors que nul objet extérieur propre à exciter cette sensation n’est à portée de ses sens, est dans un état d’hallucination. C’est un visionnaire[1]. » On abrège quelquefois cette définition en disant que l’hallucination est une perception sans objet. Ces deux définitions pourront nous servir provisoirement, malgré leurs imperfections, que nous sentirons de plus en plus vivement à mesure que nous pénétrerons au cœur de notre sujet.

Les médecins discutent encore sur la nature, sur le siège et sur les causes de l’hallucination ; les opinions les plus diverses ont été mises en avant et soutenues avec un acharnement égal. On pourra s’en faire une idée en parcourant les débats qui ont eu lieu à ce sujet en 1855 et 1856 à la Société médico-psychologique de Paris[2], entre les représentants les plus autorisés de la philosophie et de la médecine. Il est peut-être téméraire de revenir à un problème sur lequel tant d’excellents esprits se sont exercés sans arriver à le résoudre. Mais qu’importe la longueur des discussions et le nombre des ouvrages, si le dernier mot n’en ressort pas.

Il parait impossible d’arriver à une notion exacte sur le mécanisme de l’hallucination, si on ne la compare pas à l’acte dont elle est une

  1. Esquirol, Maladies mentales, t.  I, p. 80. Paris, 1838.
  2. Annales médico-psychologiques, 3e série, t.  I et II. Conf. les comptes rendus de la Société médico-psych. de Berlin, Archives de psychiatrie, 1814, p. 254 et suiv.