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2o L’établissement d’une relation logarithmique donnant la mesure de la sensation en fonction de l’excitation. Cette relation est présentée comme déduite théoriquement de la loi de Weber, alors que, si l’on réduit cette loi à la représentation effective des expériences, il n’y a plus aucune liaison entre elle et la formule logarithmique. L’une peut être vraie sans que l’autre le soit.

3o L’affirmation que cette relation logarithmique doit être considérée comme réglant véritablement les rapports entre la sensation éprouvée par le moi et l’irritation interne, qu’il faut bien distinguer de l’excitation externe, sur laquelle portent en réalité les expériences.

Dans les deux premiers pas, Fechner n’est pas sorti en réalité du domaine physiologique ; par le troisième ; il a essayé d’aborder un autre terrain, pour lequel il a inventé le terme de psychophysique. Mais, si son affirmation échappe en réalité jusqu’à présent à toute réfutation en règle, elle n’en reste pas moins gratuite au fond. C’est une hypothèse scientifique, on peut l’accorder ; ce n’est aucunement un fait de science.

Il est d’ailleurs évident que l’autorité de cette hypothèse est intimement liée à la valeur scientifique de l’énoncé de la loi de Weber d’une part, de la formule logarithmique de l’autre. Avant de faire le troisième pas, il faut bien assurer les deux premiers.

Or, pour mener la discussion jusqu’au bout, après avoir montré que l’énoncé de la loi de Weber repose sur un postulat pour la vérification duquel l’expérience serait nécessaire, — l’identité entre la sensation d’une différence totale et la somme des sensations des différences partielles, — j’ai provisoirement admis néanmoins l’énoncé comme valable. Il me reste à prouver qu’il ne peut être considéré comme tel.

Si en effet la loi de Weber est vraie, la formule logarithmique qui s’en déduit mathématiquement est également vraie ; et, d’après le caractère de la déduction, la réciproque a lieu. Il me suffit donc de montrer que, pour un ordre particulier de sensation, tandis que la formule logarithmique s’applique incontestablement sans aucune espèce de restrictions, les expériences qui servent prétendument de base à la loi de Weber ne peuvent aboutir à la justifier. Alors cette loi perdra tout son appui expérimental et sera réduite à n’être qu’une transformation de la formule logarithmique.

L’ordre de sensations auquel je fais allusion est, on le devine, celui de la hauteur des intervalles musicaux. L’exactitude absolue de la relation logarithmique dans toute l’étendue de l’échelle des sons perceptibles est un fait incontestable, sur lequel je n’ai pas à insister. Ici, les lois que M. Delbœuf a essayé de formuler pour la tension et