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TANNERY. — critique de la loi de weber

posée à priori entre l’excitation externe et l’irritation interne.

Au fond de tout cela, il n’y a évidemment qu’une pure hypothèse ; mais, quoiqu’elle soit bien loin de s’imposer à la conviction où même de sembler naturelle, il est extrêmement difficile de la combattre et d’en démontrer la fausseté.

Les raisonnements à priori doivent être écartés ; ils ne peuvent entrainer que des discussions oiseuses, où d’ailleurs il serait imprudent de se risquer contre un polémiste aussi retors que Fechner. C’est à l’expérience seule à prononcer, et il faudrait en conséquence arriver à mesurer directement l’irritation interne.

Les tentatives qui ont été faites dans ce sens ne sont point nombreuses, et si les quelques résultats obtenus jusqu’à présent ne son point favorables à Fechner, on ne peut certainement pas les considérer comme véritablement concluants ; la question reste donc pendante.

J’estime que c’est sur ce point que devrait se porter principalement désormais l’effort des chercheurs. L’hypothèse de Fechner que pour ma part je ne puis me décider à admettre, pourra ainsi avoir au moins le mérite de provoquer des découvertes d’un haut intérêt physiologique, et, si elle doit être finalement reconnue comme fausse, elle n’en aura pas moins joué le rôle brillant et plus ou moins durable qui a appartenu à tant d’autres hypothèses scientifiques, soutenues autrefois, abandonnées de nos jours.

VIII

J’ai achevé de parcourir le cercle des questions que je m’étais proposé d’envisager ; je vais essayer de résumer mes conclusions, de les condenser sous quelques points saillants, et, pour en mieux expliquer le sens précis, d’ajouter quelques développements qui ne seront peut-être point inutiles.

Weber a donné l’élan à des recherches expérimentales d’un incontestable intérêt ; elles ont porté sur le minimum perceptible pour la différence de deux excitations de même ; nature, sur le degré de précision du jugement relatif à l’identité de deux excitations, enfin sur la mesure de la sensibilité pour une excitation donnée.

Partant de ces recherches, Fechner a fait trois pas successifs qu’il importe de bien distinguer :

1o L’énoncé de la loi de Weber, présenté comme résumant les résultats des expériences de son précurseur, mais en réalité dépassent de beaucoup la portée de ces expériences.