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ANALYSES.réville. Religions des peuples non civilisés.

de l’organisation du monde. On a recueilli d’autres mythes, dont plusieurs fort curieux ; mais la forme sous laquelle ils nous sont parvenus n’est point toujours très sûre.

Ce qui est caractéristique des religions océaniennes, c’est le tabou, autrement dit « la mise à part d’un objet ou d’une personne en tant que consacrés ou appartenant au domaine divin des Atuas. En vertu de cette mise à part, il est interdit, sous peine de sacrilège et des maux que le sacrilège ne peut manquer d’attirer, de s’approprier et même de toucher la chose ou la personne tabou. » Si l’on veut encore, le tabou est « une interdiction de prendre et de toucher sanctionnée par la religion. »

À côté du tabou, qui prend dans la vie quotidienne et dans l’ensemble de l’organisation sociale une place considérable, il fait ranger le tatouage. Dans aucune partie du monde, il n’est développé comme en Polynésie. Les origines du tatouage sont religieuses, comme on pourrait s’en douter par ce fait, en apparence contradictoire, que, « dans telle ile océanienne, on refusait de tatouer les marins étrangers par scrupule religieux, de peur d’offenser les divinités, tandis que, dans une autre île, on voulait forcer les étrangers à se tatouer, précisément pour la même raison. » La signification originelle et profonde du tatouage, c’est l’appartenance à la divinité.

Il faut renvoyer au livre même pour le détail abondant des mythes, des idées et pratiques religieuses, du sacerdoce et de la sorcellerie dans la variété des peuplades et des habitats.

Les religions finno-tartares. — Le sujet pouvait être considéré comme remarquablement préparé par des travaux antérieurs qui rendaient la besogne plus aisée. « Même les peuples dits chamanistes et dont on croyait que la religion se résumait dans un animisme systématique, exclusif et forcené, ont une religion dont le naturisme est la base et même une aptitude à la mythologie organisée, que nous avons rarement vue aussi développée chez les autres races non civilisées. » — « La mythologie finnoise, conclut M. Réville, peut disputer la palme à toutes celles que nous avons exposées jusqu’à présent. Il n’y a du moins que la mythologie polynésienne qui pourrait lui être préférée ; encore est-elle certainement inférieure à la finnoise au point de vue de la distinction bien nette des personnes divines et d’une délicatesse de sentiment que l’insulaire des mers du Sud ne connut jamais. C’est une preuve de plus que la faculté religieuse organique, celle qui consiste à systématiser les idées, les impressions, les sensations vagues et incohérentes du naturisme primitif, coïncide avec l’aptitude à la civilisation. »

Il reste à dégager les résultats d’ensemble. Le premier, c’est l’identité foncière des religions du monde non civilisé. « Nous avons pu, dit l’auteur, signaler d’innombrables variétés tenant aux régions et aux aptitudes de race. Nous n’avons eu nulle part à relever de