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ANALYSES.réville. Religions des peuples non civilisés.

mots du totémisme, qui, d’après notre auteur, « caractérise la religion du Peau-Rouge comme le fétichisme celle du nègre. » Totémisme est formé de totem. Qu’est-ce qu’un totem ?

« Comme le fétiche, le totem est une propriété individuelle ou du moins spéciale soit à une famille, soit à une tribu. Le totem est un animal déterminé servant de forme corporelle, qu’elle soit naturelle ou simplement préférée, à l’esprit dont l’individu, la famille ou la tribu croit posséder la protection. »

Le totem fait en quelque mesure la fonction d’un blason. Chaque Peau-Rouge a le sien. Il en porte généralement la marque sur son corps. Il respecte la famille animale à laquelle il l’a emprunté. Il en a fait choix de différentes manières, particulièrement en s’astreignant à des jeûnes et en provoquant ainsi des rêves, où apparaît l’animal protecteur. Pour s’expliquer cet usage caractéristique du totem, « il ne faut pas invoquer simplement le besoin qu’éprouve l’homme aux étages inférieurs de la religion de se donner un dieu qui soit à lui plutôt qu’aux autres, dont il invoque la protection spéciale avec des titres individuels à l’appui de ses invocations. Il faut faire intervenir la croyance animiste dans son principe. « L’idée que l’animal renferme un esprit analogue et même supérieur à celui de l’homme, mène droit à celle, que les esprits des animaux sont de même genre que les esprits mystérieux qui sont intermédiaires entre les grands dieux de la nature et l’homme. Les grands dieux eux-mêmes, le ciel, le soleil, la lune, les montagnes et les fleuves, sont à chaque instant conçus sous forme animale. Le ciel est un grand oiseau, le soleil un taureau, la lune une vache, les fleuves des serpents, etc. De plus, l’animisme suppose que les esprits peuvent sortir de leur demeure habituelle pour s’incarner, quand il leur plaît de se montrer aux hommes, sous la forme d’animaux déterminés. Ce que font la famille et la tribu pour s’assurer une protection surnaturelle, l’individu le fait aussi pour lui-même, et, même probablement, le totémisme de famille et de tribu provient du totémisme « individuel d’un premier ancêtre ou d’un premier chef. » Le totémisme, conclut M. Réville, n’est donc au fond qu’une application des deux principes combinés du culte de l’animal et de la croyance aux esprits. C’est là qu’il faut chercher l’origine de cette forme particulière de dévotion si marquée chez les Peaux-Rouges. De même que chaque nègre se fait un peu sorcier en entretenant des relations intimes avec les esprits renfermés dans ses fétiches, de même le Peau-Rouge se rattache au monde des esprits en s’alliant par un culte spécial aux esprits incarnés dans les animaux. Le totémisme et sa prépondérance parmi les Peaux-Rouges viennent de ce que l’animisme a poussé chez lui plus loin qu’ailleurs la préoccupation et le culte de l’animal, ce qui n’a rien de surprenant de la part d’une race de chasseurs. »

Les idées que les indigènes de l’Amérique du Nord se font de la vie d’outre-tombe « reviennent à ce trait général que la vie future est essentiellement la continuation, sous toutes les formes et à tous les