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ANALYSES.réville. Religions des peuples non civilisés.

ce genre d’association suppose des hommes mécontents des croyances vulgaires, qui ne veulent ou ne peuvent les combattre ouvertement. »

Dans l’ensemble, les liens entre la morale et la religion sont fort lâches. « Sur deux points seulement, pense l’écrivain, nous sommes en droit de dire que le point de vue moral ou le sentiment de l’ordre moral n’est pas complètement étranger aux croyances religieuses des noirs d’Afrique. Le premier nous est fourni par les ordalies, qui supposent qu’en définitive les esprits les plus puissants s’intéressent à la dénonciation des criminels et à leur punition. Le second, c’est la tendance rémunératrice de ces sociétés secrètes à base religieuse, dont nous avons parlé et qui semblent dépasser le niveau extrêmement bas de la religion vulgaire. Il y a, dans ces deux ordres de faits, en dépit des niaiseries et même des horreurs qui s’y associent, un commencement de preuve de la thèse que, si la religion et la morale sont indépendantes à l’origine, elles tendent à s’unir à mesure qu’elles s’élèvent. »

Jusqu’à présent, il n’a pas été tenu compte des populations de l’Afrique méridionale, des peuples cafres établis à l’est du Cap et des Hottentots avec leurs congénères probables les Boschmans. — Les idées religieuses « ils ont tous ne sont point fort avancées chez les Cafres. Cependant l’idée d’une divinité suprême, Inkosi Ounkoulou, le Grand-Chef, ou Oumfo Ounkoulou, le Grand-Homme, qui doit être une personnification du ciel, puisqu’il se révèle par l’éclair et le tonnerre. C’est à lui qu’ils rapportent, non la création, dont ils n’ont pas l’idée, mais l’arrangement premier des choses. En même temps, Inkosi Ounkoulou est aussi le premier homme et le premier chef. C’est une confusion d’idées que nous retrouverons chez bien des non-civilisés et qui tient au fait qu’on se représente le dieu suprême sous forme humaine ou sous forme animale, et nous verrons bien souvent la communauté de genre entre l’homme et cette divinité suprême associée à l’idée de la communauté d’origine de l’homme et de l’animal. » Une idée religieuse, sinon spéciale aux Cafres au moins plus prononcée chez eux que chez leurs congénères africains c’est « la croyance que l’on s’unit positivement, substantiellement à la divinité en s’assimilant des éléments qui font ou vont faire partie de la substance divine elle-même. C’est un des rites où l’on voit, en pleine religion de non-civilisés, s’affirmer cette tendance à la consubstantiation divine qui doit inspirer des dogmes et des sacrements augustes à des religions beaucoup plus développées. La religion cafre présente, en résumé, un spécimen de religion primitive à la fois et appauvrie quant à son contenu naturiste et mythologique.

Le Hottentot, bien que fort bas placé sur l’échelle humaine, présente encore un naturisme très restreint, pour ainsi dire étouffé dans l’œuf. » Le Boschman lui-même n’est pas dépourvu d’idées et de pratiques religieuses.

Il y a au fond, chez les noirs africains, comme une incapacité d’aboutir. « Le naturisme, le culte des objets naturels personnifiés, ciel, soleil,