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action sur le cours des choses. M. Girard de Rialle, dans son traité de Mythologie comparée, dont nous avons analysé ici même le premier volume, le déclarait récemment ; un écrivain allemand, M. Roskoff, a fait plus il a pris par le menu les différents peuples auxquels on avait refusé la religiosité et démontré par des témoignages précis que cette prétention était inexacte.

Parmi les résultats les plus curieux d’une étude d’ensemble comme celle qu’entreprend M. Réville, il faut noter les étranges ressemblances, non plus seulement de notions ou de croyances générales, mais de rites, de coutumes particulières, de détails bizarres que présentent, en matière de mœurs et de religion, des peuples très éloignés les uns des autres, appartenant à différentes races et n’ayant jamais eu le moindre rapport. » Que l’on ne s’empresse pas de tirer des conclusions de ces constatations ! En éclairant le fait par les circonstances qui l’accompagnent dans tel ou tel endroit, on retrouve le lien qui le rattache à une idée plus générale, commune à de nombreux groupes. Ainsi la couvade, « cet usage, au premier abord si difficile à expliquer, en vertu duquel le père se couche et se fait traiter comme un malade dès que son enfant est né, » se retrouve à maint endroit, et, par l’examen de différents détails, on est amené à y reconnaître l’effet d’une croyance très répandue, qui veut que la santé du nouveau-né soit dans un lien étroit avec celle de ses parents : de là des précautions extrêmes, l’abstention de certains aliments, etc.

Une autre précaution consiste à ne pas demander à des races d’esprit paresseux, parfois douées d’imagination, mais rarement d’un sens logique un peu prononcé, des théories coordonnées. Si logique il y a chez ces peuples, ce n’est qu’une logique interne » et « irréfléchie ». Les impressions religieuses ressenties peuvent être égales à celles qu’éprouvent les nations les plus civilisées ; elles n’ont nullement besoin pour cela de s’appuyer sur un dogme complet ou sur un culte savamment organisé.

Le but à atteindre étant défini d’une façon plus exacte dans les termes suivants : « Déterminer les formes essentielles, les conditions générales de la religion dans l’état d’esprit supposé par l’ignorance et la proximité grande encore de l’état primitif, » M. Réville s’attaque à quatre groupes que la géographie et l’ethnographie lui font discerner dans la masse des populations que l’on appelle vulgairement sauvages.

Le premier groupe est celui des noirs d’Afrique, nègres ou simplement noirs, avec adjonction du groupe sud-africain, Cafres, Hottentots et Boschmans.

Le second est le groupe américain, avec la division entre américains du Nord et du Sud ; à ces derniers il faut adjoindre les Patagons, Araucaniens, Fuégiens, comme aux premiers les Esquimaux.

Le troisième groupe comprend l’Océanie.

Le quatrième est le groupe tartare.