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importante, la plus vaste, la plus difficile à la fois qui soit au monde, sont enseignées dans notre premier établissement d’instruction supérieure de la façon ample et solide qui assurera leur reconnaissance au sein des disciplines depuis longtemps admises. L’éminent administrateur que le Collège de France vient de perdre, et qui avait manifesté quelques appréhensions à propos de la création de la chaire d’histoire des religions, a pu se convaincre, avant de mourir, que l’heure d’aborder ces problèmes avec la respectueuse indépendance des méthodes scientifiques avait sonné pour notre pays et que M. Réville avait entrepris sa tâche de façon à écarter toute inquiétude. Il nous semble aussi que le professeur-écrivain, plus sûr des dispositions de son auditoire, a su alléger sa marche, la rendre plus franche et plus alerte.

La préface expose avec une grande clarté les difficultés spéciales au sujet. Les matériaux ne manquent pas, mais ils sont de valeur inégale. Il faut éviter soit de se lancer dans des vues générales que les faits recueillis ne soutiennent pas suffisamment », soit « de piétiner dans un amas de faits minuscules, au risque de perdre de vue toute grande ligne. »

À prendre dans un sens absolu le titre de l’ouvrage, « il y aurait lieu de se figurer qu’on y trouvera l’exposition de ce que la religion a été chez tous les peuples du monde sans exception, aussi bien chez ceux qui se sont élevés depuis des siècles à la civilisation, mais qui ont eu leur période barbare et sauvage, que chez ceux qui sont restés, jusqu’à nos jours ou jusqu’à un temps très rapproché du nôtre, en dehors des conditions de la vie civilisée. » On ne pouvait songer à un tel propos, qui eût exigé des proportions énormes, à moins d’aboutir à une sèche nomenclature. M. Réville préfère, avec raison, ajourner l’étude de la religion primitive des peuples qui n’en sont pas restés au degré inférieur de la culture ; il l’associera alors, « comme préparation et prélude à leur religion développée. » Il a éliminé, en conséquence, « de l’étude présente les antiquités religieuses préhistoriques de l’Égypte, de l’Inde, de la Chine et des pays bouddhistes, de la Malaisie en général, de l’Amérique mexicaine, centrale et péruvienne, et enfin de toute l’Europe, sauf en ce qui concerne les Finnois et les Lapons, étroitement rattachés au groupe tartare de l’Asie septentrionale. » Même dans les limites indiquées, il fallait se borner et recueillir de préférence les faits typiques qui accusent l’esprit, l’originalité propre d’un état religieux déterminé. »

On trouvera, d’autre part, dans le nouvel ouvrage de M. Réville, une place importante faite à des observations purement ethniques, sociales et morales. » L’auteur a cru indispensable de tracer les lignes essentielles du cadre où apparaissent les diverses religions dont il traite celles-ci étant inintelligibles quand on les sépare des conditions générales des populations qui les pratiquent. Ce cadre, affirme-t-il très justement, est absolument nécessaire au tableau, et ceux-là surtout en reconnaîtront la nécessité qui pensent avec moi que les développements