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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Leslie Stephen. The science of ethics. London, Smith, Elder and Co. 1882.

« Il serait sans doute très utile, dans un temps où la décadence des vieilles doctrines morales est si rapide, de proposer, pour les remplacer, un système irréprochable ; mais il est fort heureux pour le monde que le progrès moral puisse se continuer sans attendre que l’on ait trouvé un pareil système. M. Leslie Stephen termine son livre par cette réflexion. Il n’est pas possible de demander à un auteur plus de modestie. Déjà, dans sa préface, il nous avait prévenus qu’il ne se faisait pas d’illusions sur la valeur de son œuvre. Il s’était proposé d’exposer une théorie morale qui fût en harmonie avec la théorie de l’évolution. On pouvait lui objecter que les Données de la morale[1] avaient paru et qu’en les publiant M. Herbert Spencer avait mené à bien cette entreprise et rendu toute nouvelle tentative inutile. Mais il ne se placera pas au même point de vue que son éminent devancier ; celui-ci a fait de la morale le couronnement d’un système encyclopédique ; il se bornera au contraire, partant des anciennes doctrines, à essayer de les concilier avec des principes scientifiques généralement admis aujourd’hui, et il ne sortira pas du domaine de l’éthique. Sa tâche sera donc bien plus limitée. Les résultats seuls pourront concorder dans une certaine mesure. Et puis « il m’a semblé, dit-il, que ce champ d’études était assez vaste pour un grand nombre de travailleurs, et même pour les travailleurs de beaucoup de générations à venir. Je ne doute pas que les problèmes de la morale ne soient débattus (et je n’ai pas l’impertinence de rien dire ici qui concerne M. Spencer) longtemps après que j’aurai disparu, qu’on m’aura oublié. Mais c’est assez, c’est beaucoup de faire faire même le plus petit progrès à ces spéculations si lentes à se développer. J’ai été à plusieurs reprises effrayé de l’audace avec a quelle j’ai appelé à ma barre les penseurs les plus profonds et les plus subtils, depuis Platon. Mais chaque fois je me suis assez promptement rassuré en considérant que l’évolution de la pensée est l’œuvre des plus faibles comme des plus forts, et que, s’il a fallu des géants pour jeter les fondements de la science, les nains peuvent encore

  1. Publié dans la Bibliothèque scientifique internationale, sous ce titre : Les bases de la morale évolutionniste.