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l’animal exécute des mouvements bien marqués ; si la moelle n’a pas été coupée, l’action réflexe subsiste, mais l’intervention du cerveau fait que les mouvements sont nettement dirigés de façon à dégager l’animal de l’étreinte qui le gêne[1].

Le second point mérite une étude attentive, car on conçoit que deux nerfs, l’un sensitif et l’autre moteur, agiront d’autant mieux l’un sur l’autre que leurs points d’arrivée et de départ seront plus voisins. Ce fait, facile à prévoir, est mis en évidence par l’expérience suivante : si, après avoir coupé la moelle d’une grenouille au-dessus des membres antérieurs, on pince immédiatement l’un des membres postérieurs, celui-ci est seul à se rétracter ; si on laisse l’animal se reposer quelque temps, la sensibilité, ou mieux l’irritabilité, augmente, et la réaction se produit sur les deux membres postérieurs ; enfin, après un repos un peu plus long, les mouvements réflexes se montrent dans les quatre membres[2]. Dans le premier cas, l’action réflexe ne s’est produite que sur le nerf moteur accouplé au nerf sensitif pour former un nerf mixte ; dans le second, elle s’est étendue à un nerf moteur indépendant du nerf sensitif, mais aboutissant à la même hauteur sur la moelle ; le troisième cas enfin nous a montré l’action réflexe se transmettant longitudinalement à travers la moelle.

Quand il s’agit d’un nerf sensoriel, acoustique ou autre, le premier cas est sans application, puisque les nerfs sensoriels sont purement sensitifs ; mais il y a lieu de tenir compte de son point d’arrivée à l’axe médullaire et du point de départ du nerf moteur sur lequel il doit agir. Dans l’espèce, l’étude est d’autant plus intéressante que, les nerfs optiques aboutissant dans les pédoncules cérébraux, tandis que les nerfs acoustiques aboutissent dans le bulbe rachidien, elle nous permettra de reconnaître quels sont, parmi les nerfs qu’on peut appeler artistiques, les plus favorables à des actions réflexes.

Au point de vue qui nous intéresse, nous avons à considérer principalement les nerfs pneumo-gastriques, qui agissent sur le cœur, les nerfs qui commandent la phonation et ceux qui provoquent le rire ou l’émission des larmes, car nous avons vu que le cœur a une influence énorme sur l’état émotionnel de l’organisme, et, d’autre part, les cris, les larmes et le rire constituent les principaux modes d’expression des émotions. Or les nerfs pneumo-gastriques tirent leur origine du bulbe rachidien, et il en est de même des nerfs spinaux, qui commandent la phonation et l’élément respiratoire du rire ; quant aux contractions de la face qui complètent le rire, elles dépendent du nerf facial, issu également du bulbe rachidien.

  1. Claude Bernard, Physiologie du système nerveux, t.  I, page 347.
  2. Claude Bernard, Physiologie du système nerveux, t.  I, page 351.