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BERTRAND. — deux lois psycho-physiologiques

supposé la vérité des faits dont on n’a pas entrepris la discussion. » M. E. Chevreul a entrepris la discussion de ces faits ; il leur a trouvé un fonds de vérité, et, sans recourir ni à Dieu ni au diable, il a découvert ces causes dont parle mystérieusement Fontenelle, qui ne peuvent être rapportées à la physique.

Prenez un anneau de fer suspendu à un fil de chanvre ; si, tenant en main l’extrémité libre du fil, la main même appuyée sur un support pour éviter tout mouvement, vous êtes attentif aux oscillations, elles augmentent d’amplitude. Le phénomène se produit d’une manière d’autant moins sensible que le support est plus près de la main. Tracez sur le plancher un cercle ou une ellipse : le fil, au moment même où votre vue se fixera sur le cercle ou l’ellipse, en décrira les contours. Voilà le fait ; trois explications sont possibles : ou bien c’est l’action du corps au-dessus duquel vous tenez le pendule qui le fait osciller ou tourner ; ou bien c’est la volonté de l’expérimenteur qui lui imprime le mouvement ; ou bien ce mouvement d’oscillation ou de rotation a une cause psycho-physiologique différente de la volonté, et qui dès lors ne peut être que la pensée ou le désir alliés avec le dégagement d’une force nerveuse et la production d’un mouvement musculaire inconscient ou subconscient. Examinons les trois hypothèses : la première ne se soutient pas, car le pendule tourne sur tous les corps indifféremment, pourvu que l’esprit de l’expérimentateur soit libre de toute idée préconçue. S’imagine-t-on que sur tel corps le pendule n’oscillera pas, il cesse en effet d’osciller. Les expériences de Gerboin sont donc illusoires : Gerboin a été dupe de la loi du coefficient personnel. La seconde hypothèse doit être écartée sans discussion ; si la volonté de faire osciller ou tourner le pendule existait en moi, pourrais-je l’ignorer ? Il faudrait supposer, chose contradictoire, que je suis de mauvaise foi sans le savoir. Il y a plus : en commençant l’expérience, non seulement je ne veux pas me tromper moi-même ni tromper autrui, mais je ne désire même pas, ainsi l’exige la rigueur de la méthode expérimentale, aboutir à une solution plutôt qu’à un autre. Reste la troisième hypothèse : comment la vérifierons-nous ? Si je m’observe moi-même au moment des plus fortes oscillations du pendule, je découvre en moi un état particulier, une sorte de tonus musculaire, de disposition ou tendance au mouvement. C’est peut-être une illusion ; pourtant comment se fait-il que les oscillations et les gyrations du pendule s’accentuent avec le plaisir que je prends à les considérer ? Comment s’arrêtent-elles peu à peu dès que j’ai non la volonté de les arrêter, mais simplement l’idée qu’elles vont cesser ? Si, au moment où le pendule tourne, on interpose un écran entre le cercle tracé à