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que celle des métaux enfouis ou des sources cachées. La rabdomancie, ou divination par la baguette semble dater de la plus haute antiquité : il en est fait mention dans la Bible ; Hérodote attribue cette pratique aux Scythes ; la baguette de Circé et celle de Mercure, le lituus ou bâton augural, baguette recourbée, semblent autant de formes plus ou moins éloignées de la même superstition. Le pendule explorateur se compose d’un corps solide suspendu à un fil dont l’extrémité libre est tenue entre les doigts ; il est d’une antiquité moins vénérable, puisque c’est dans Ammien Marcellin que M. E. Chevreul en trouve la première mention. Il a d’ailleurs les mêmes vertus et le même usage que la baguette divinatoire. On ne lit pas sans un profond étonnement l’analyse du livre publié en 1808, date relativement si récente, par Gerboin, professeur à l’École de médecine de Strasbourg, sous ce titre Recherches expérimentales sur un nouveau mode de l’action électrique. Ces recherches sur les vertus merveilleuses du pendule ne comprennent pas moins de 253 expériences composant un texte de 356 pages in-8o. L’étonnement redouble quand on voit en 1592 le lieutenant criminel et le procureur du roi pousser la crédulité jusqu’à envoyer un rabdomance, J. Aymar, à la découverte des assassins d’un marchand de vin de Lyon égorgé dans une cave avec sa femme : arrivé sur le lieu de l’assassinat, « son pouls s’éleva, un frisson le saisit, et la baguette tourna dans les deux endroits de la cave où l’on avait trouvé les cadavres. » Il se met à la recherche des meurtriers, s’aperçoit qu’ils sont au nombre de trois, les suit à la trace sur le Rhône et reconnaît tous les endroits où ils se sont arrêtés et tous les objets qu’ils ont touchés. Il les suit au camp de Sablon, il les suit à Beaucaire, et, toujours guidé par la baguette, il découvre dans la prison de cette ville un petit bossu qui nie d’abord, avoue ensuite avoir participé à l’assassinat. Malebranche pense que les effets physiques de la baguette peuvent être expliqués par les attractions ; quant aux influences morales qui agissent sur elles, si elle tourne réellement sans qu’il y ait fraude ou intention de tromper de la part de celui qui la tient, Malebranche en fait des causes surnaturelles, et, comme il lui répugne d’admettre l’intervention de Dieu, il a recours aux manœuvres du diable et des esprits infernaux. Fontenelle, moins enclin à de telles explications, ayant à juger, en compagnie de plusieurs autres membres de l’Académie des sciences, un ouvrage de Lebrun, prêtre de l’Oratoire, intitulé Histoire critique des pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les savants, n’hésite pas à condamner sans appel la baguette divinatoire, car, dit-il, « les pratiques que l’on combat dans ce livre sont de pures impostures des hommes ou doivent avoir des causes qui ne peuvent être rapportées à la physique,