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et médité l’Iconographie photographique de la Salpêtrière[1]. Avouons-le toutefois la formule que nous appellerons loi de Charcot ne se trouve pas dans ce recueil et n’y existe qu’en puissance et implicitement. Les auteurs, exclusivement préoccupés de l’observation et de la description des faits, semblent se soucier médiocrement des secrets de la méthode expérimentale qu’ils emploient si bien, et des lois de l’expression des émotions, sur lesquelles ils apportent tant de lumière. Rien de plus légitime que cette préoccupation exclusive : ils parlent en médecins et en savants, non en psychologues ; c’est même, pour la question qui nous occupe, le meilleur gage d’impartialité. Tant mieux s’ils n’ont pas sur la psychologie de système préconçu, si leur siège n’est pas fait. Mais il y a le revers de la médaille : nous sommes condamnés à formuler nous-même la loi qui se dégage de tant d’observations accumulées, et il faut nous résigner si M. Charcot, usant de son droit strict, désavoue une loi à laquelle nous nous permettons d’attacher son nom. Proposons provisoirement la formule suivante : Tout mouvement imprimé du dehors à nos muscles, toute force nerveuse dégagée dans l’organisme par une excitation étrangère à notre spontanéité détermine une série d’états cérébraux et de modifications mentales susceptibles de se traduire par les attitudes et les mouvements expressifs qui habituellement leur correspondent.

II

Revenant en 1877 sur des expériences commencées en 1812, racontées sommairement dans une lettre à Ampère qui parut dans la Revue des Deux-Mondes en 1833 et consignées enfin dans un ouvrage définitif publié en 1854, M. E. Chevreul se frappe la poitrine et s’accuse d’une grave faute ou plutôt d’un gros péché d’omission : « Je n’ai pas mentionné dans le principe formulé la condition indispensable des yeux ouverts pour que le mouvement musculaire, cause immédiate du mouvement du pendule, s’effectuât, et je me suis borné non à exprimer une erreur, mais à énoncer un résultat incomplet en omettant une cause, la vue sans laquelle le mouvement ne s’exécute pas[2]. » Il est donc essentiel de rappeler en quelques mots l’importance capitale que M. E. Chevreul attribue au sens de la vue dans une foule de mouvements musculaires et de faits d’appréciation subjective.

  1. Iconographie photographique de la Salpêtrière (service de M. Charcot), par MM. Bonneville et Regnard.
  2. Étude des procédés de l’esprit humain dans la recherche de l’inconnu, troisième mémoire, p. 246.