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DEUX LOIS PSYCHO-PHYSIOLOGIQUES


I

Chercher dans les écrits des savants des documents psychologiques, telle est la tendance marquée des philosophes de notre temps. Il faut les en féliciter pour deux raisons : la première, c’est que les savants sont moins suspects d’introspection et moins sujets aux illusions d’optique interne ; la seconde, c’est que généralement ils emploient dans l’observation des faits une méthode plus sévère et les soumettent à une critique plus exigeante. S’ils ne prouvent pas toujours ce qu’ils avancent, du moins n’oublient-ils jamais de donner des raisons et de faire un effort non seulement pour persuader mais aussi pour prouver. C’est un avantage qu’il ont sur beaucoup de psychologiqueset dont ils sont redevables à leurs habitudes d’esprit. Les théories générales de la science deviennent vite des lieux communs philosophiques : tel philosophe qui lit peu les ouvrages scientifiques se tient au courant, par les revues, des grandes découverts et des théories en vogue. Ce qui reste ignoré, ce sont les vérités de détail, les recherches précises sur un point particulier. Je me propose d’interroger, sur deux lois psycho-physiologiques de la plus haute importance, deux savants contemporains, M. E. Chevreul et M. Charcot. « Quand je dirais de M. Arago qu’il est un savant européen, je ne le flatterais pas beaucoup. Mais je lui plairai, faiblesse de l’homme, si je dis qu’il est un écrivain supérieur, et je dirai vrai. » Cette piquante réflexion de Cormenin me revient en mémoire à propos de M. Chevreul : je lui plairai et je dirai vrai en rappelant ses titres philosophiques et en avouant sans détour que je le regarde comme un des plus ingénieux psychologues de notre temps. Au surplus, voulez-vous savoir ce que pense de ses travaux philosophiques celui qui s’intitule le « doyen des étudiants de France » quand il les compare à ses admirables découvertes scientifiques et industrielles ? « Je l’ai dit il y a longtemps et répété souvent : le but de ma vie a été l’étude de la méthode par laquelle l’homme arrive à la connaissance de l’inconnu dans les sciences naturelles plutôt qu’il n’a