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C’est ce principe de convergence qui fait que, dans toute société complexe, il y a accroissement du niveau mental d’une génération à l’autre. Ceci explique aussi pourquoi les grandes civilisations n’ont pu se produire dans les régions (comme le centre de l’Afrique) où les conditions physiques ne permettent pas une grande diversité d’occupations, tandis que des pays comme la Grèce, l’Italie, les péninsules occidentales d’Europe tendent par des raisons physiques à différencier les populations en beaucoup de groupes et à permettre ces mélanges féconds dont nous avons parlé. — Si l’on remarque qu’en Italie, depuis des siècles, la peinture se trouve partout, frappe tous les yeux, on ne s’étonnera pas qu’il y naisse un Raphaël, pas plus qu’un Phidias en Grèce, où tout était peuplé de statues et plein de marbres. Et l’on comprend aussi pourquoi un Watt ne naîtra pas dans le Tyrol, pourquoi l’Amérique produit des Edisons et des Morses plutôt que des Schillers et des Michel-Anges ; pourquoi des Quakers ne sortira jamais un grand général ni des habitants du Dahomey un philanthrope. — L’auteur entre dans quelques détails curieux pour expliquer d’après le principe de l’accroissement fonctionnel le talent de Tennyson, Ch. Darwin, Carlyle, Burns, Dickens, etc. Il rappelle aussi, en vertu du même principe, la supériorité intellectuelle des mulâtres, qui réunissent entre eux par convergence certaines qualités des nègres et des blancs. De même pour les mariages entre Irlandais et réfugiés français, et pour les rares mariages entre juifs et chrétiens. Pour conclure, si l’on n’accepte pas cette hypothèse que tous les accroissements du pouvoir cérébral sont produits fonctionnellement, l’histoire entière de l’humanité n’est plus qu’un inexplicable chaos.

J. Warp. Principes psychologiques. — Dans ce deuxième article, l’auteur traite de la connaissance, du sentir (feeling) et de l’effort, sans jeter une grande lumière sur ces questions et sans arriver à préciser le titre vague de son article.

Maitland. La théorie de la société de M. Herbert Spencer (2e article). — L’auteur examine, surtout d’après Social Statics, la loi de la « liberté égale » formulée par l’auteur dans cet ancien ouvrage, et il note en quelle mesure il a modifié ses idées dans son livre beaucoup plus récent, Les principes de sociologie. L’examen porte surtout sur la question du droit de propriété. Dans sa critique de la propriété immobilière, Spencer, sous prétexte d’une conception cosmopolite, « donne en réalité une conception chaopolite » car, avec sa loi de liberté égale, il en vient à la « dénationalisation de la terre », de telle sorte que les Anglais n’auraient pas plus de droits à posséder l’Angleterre que les Français la France. Il examine ensuite la thèse de Spencer sur la différence entre la propriété foncière « établie par la force » et la propriété mobilière « établie par contrat ». Enfin que faut-il penser des droits des femmes, des enfants, etc., avec la théorie de la liberté égale ?